La poésie de François Rioux est libre et ludique. Elle va là où on ne l’attend pas, dans l’insolite d’un quotidien très prosaïque, sans transcendance. Elle ne prétend à rien de sérieux. On y boit en pensant à ses amours perdues, on y chante, on y observe les gens, on y contemple un frigo vide. Ces sont des poèmes de lendemain de veille, quand les illusions qui nous avaient exaltés se transforment en un tas de vieux mégots. Dans le bruit ambiant et le brassage de choses, de produits, il y a à peine assez de place pour l’introspection.
D’une certaine façon, Rioux s’inscrit en faux contre une poésie dite « profonde », voire académique. « Versifier l’Holocauste est de mise / assentiment instantané », écrira-t-il d’ailleurs, faisant peut-être référence à un recueil de Louise Dupré, Plus haut que les flammes, qui a obtenu la reconnaissance du milieu (Prix du Gouverneur général). Plus loin, le poète ajoute : « Encore une fois je peaufine l’art de la déception / parce que c’est laid de plaire / remplir la commande arriver à l’heure ». C’est donc plus qu’un programme littéraire que nous propose l’auteur : il nous communique un art de vivre, ou plutôt, un anti-art de vivre, une sorte de « off » de la vie et de la poésie, basé sur l’étonnement, la nostalgie et une révolte un peu passive.
Dans l’univers désenchanté de Poissons volants, « tout a la langueur / des tounes d’épicerie ». En effet, « c’est toujours les mêmes chansons », pour reprendre le titre de la troisième partie du recueil. À ce sujet, Rioux se permet de temps en temps de faire rimer ses poèmes comme des airs populaires, de nous lancer quelques facilités, avec une pointe de défi, façon de dire : c’est la toune de ma vie, vous n’avez qu’à éteindre si elle ne vous plaît pas. Car ici comme ailleurs, « les chansons demeurent / du pain pour le cœur ». On pourrait reprocher à l’auteur les trop nombreux vers qui semblent avoir été griffonnés entre deux pintes sur un comptoir en zinc. D’autres poèmes du recueil sont tellement plus denses. Cette inégalité fait sans doute partie de l’art de l’esquive que cultive Rioux. Tout ce qu’on raconte dans Poissons volants se perd ou s’aplatit avant d’avoir atteint un sens à méditer. Comme souvent dans la vie, ça finit en queue de poisson.
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