Lorsqu’il était consort vice-royal du Canada, Jean-Daniel Lafond a profité de ses nombreux déplacements officiels pour rédiger ces fragments autobiographiques sur sa vision du monde, ses films, ses voyages, ses opinions politiques ou son goût pour l’écriture introspective : « J’écris parce que je crois à la réalité supérieure de certaines formes d’association, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée ». Ses textes, brefs et parfois anecdotiques, sont présentés sans chronologie ; des souvenirs d’enfance de sa France natale resurgissent jusqu’aux dernières pages. Comme beaucoup d’Européens de sa génération, Jean-Daniel Lafond s’est pris d’affection pour le Québec au lendemain de la visite retentissante du général de Gaulle lors de l’Expo 67. Étudiant en philosophie, il est devenu, à 23 ans, un observateur engagé : « Mai 68 a marqué le moment d’une violente rupture dans ma vie ». Le style de Jean-Daniel Lafond se veut introspectif et réflexif ; il repense, par exemple, à son sentiment de solitude lors de ses premiers hivers montréalais, dès 1974 : « Je savais alors que mon passé était resté de l’autre côté de l’Atlantique, dans un continent chaud et douillet, inaccessible désormais ».
Ce « désir d’Amérique » permet de comprendre comment le cinéaste a élaboré plusieurs de ses films produits à l’Office national du film (Voyage au bout de la route, La manière nègre), souvent à partir d’une perception ou d’une intuition de jeunesse. À maints endroits, Jean-Daniel Lafond sent le besoin de se justifier, de se dédouaner, de préciser ses déclarations antérieures, par exemple à propos du référendum de 1995 sur la souveraineté du Québec ; ne fuyant pas la polémique, il cite lui-même ses propres écrits de 1993 : « Alors, un Québec souverain ? Un Québec indépendant ? Oui, et j’applaudis des deux mains et je promets d’être de tous les défilés de toutes les Saint-Jean ». Puis, avec le recul, il ajoute dans ce livre : « Loin d’être une profession de foi séparatiste, ce que j’avançais était d’abord la reconnaissance de la primauté de la volonté populaire en cas de victoire du ‘oui’ à l’indépendance ». Puis, peut-être pour se distancier davantage de cette attitude ambiguë, Jean-Daniel Lafond rappelle la fameuse déclaration du premier ministre Jacques Parizeau, qu’il cite inexactement, en la réprouvant farouchement et plus d’une fois : « Par l’argent et les [sic] votes ethniques ».
Indéniablement, ces écrits intimistes contrastent avec les textes plus engagés de l’auteur. Palinodies ? Désaveu ? Regrets ? Rectificatifs ? Reniement ? À chacun de juger.
UN DÉSIR D’AMÉRIQUE
FRAGMENTS NOMADES
- Édito,
- 2015,
- Montréal
342 pages
24,95 $
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