Finaliste au 57e prix Champlain dans la catégorie fiction, ce récit autobiographique est centré sur le parcours de l’écrivain manitobain, né juste après la Deuxième Guerre mondiale. Mettant son cœur à nu, Paul Savoie expose du même souffle son cheminement intérieur, son éthique personnelle, ses sources d’inspiration, ses doutes, ses contradictions, sa fragilité, sa vision du monde, la genèse et le cheminement de certains projets littéraires : « Je ne suis pas du genre à étaler le processus de création sur une longue période, ni à m’attaquer à plusieurs projets à la fois ». Les 24 fragments autobiographiques de l’ouvrage sont autant de dimensions de son parcours. Il y parle de son écriture, bien sûr, mais aussi de sa vie, de ses compositions musicales, de son travail de traducteur, de son goût pour la danse, de ses amitiés, de sa conception de l’érotisme.
Peu d’auteurs oseraient exprimer ainsi les ambiguïtés de leur pensée, parfois sur le ton de la confession. Constamment à la recherche de sa propre identité d’écrivain, Paul Savoie raconte aussi tous ses exils : d’abord de Saint-Boniface jusqu’à Québec, où le visage exclusivement francophone de cette capitale ne correspondait pas à sa double identité imprégnée des mentalités françaises et anglaises, puis à Ottawa et à Toronto, où il se fixera définitivement. Féru de littérature anglaise et française, l’enseignant traite dans ses cours des livres de Milton, Shakespeare, Dylan Thomas et Yeats. Il se souvient par ailleurs des films qui l’ont marqué, surtout Le septième sceau de Bergman, qui le transforme immédiatement en un cinéphile exigeant, alors qu’il était habitué aux westerns et aux films d’horreur projetés en vrac dans les cinémas de quartier lorsqu’il vivait encore au Manitoba.
Le style de Paul Savoie est intimiste ; contrairement à tant d’autobiographes, il ne s’érige pas en héros de sa propre vie mais préfère marquer les enchaînements d’événements selon le hasard des rencontres, en n’évitant ni les aveux ni les constats d’échec. Après une vingtaine de livres (en français comme en anglais), Paul Savoie doit encore se réinventer et surmonter ses doutes : « J’ai même juré de ne plus jamais écrire, afin de ne plus m’exposer aux déceptions ». Fort heureusement pour cet écrivain toujours très sollicité, il ne semble jamais manquer de propositions ni d’invitations à poursuivre son métier.