Que la mer soit le personnage pivot de ce livre aux multiples secrets, cela ne fait pas de doute. Elle est stable ou capricieuse, séduisante et vindicative, discrète autant que rancunière. Pour vivre auprès d’elle, avec elle et d’elle, il faut des humains à jamais épris de ses voix, car la terre qui la regarde dépend de la mer elle aussi. « La Gaspésie, dit un des personnages de Roxanne Bouchard, c’est une terre de pauvres qui a juste la mer pour richesse, pis la mer se meurt. C’est un agrégat de souvenirs, un pays qui ferme sa gueule pis qui écœure personne, une contrée de misère que la beauté du large console. Pis on s’y accroche comme des hommes de rien. Comme des pêcheurs qui ont besoin d’être consolés ».
Vision et plainte d’homme que celle-là, mais que disent les femmes ? Ont-elles toujours, selon la chanson, la patience des femmes de marins ? Au lieu d’attendre, osent-elles parfois s’aventurer au large elles aussi ? Se mesurer à l’immensité ? Lever l’ancre sans date ni promesse de retour ? Le village, en tout cas, garde le souvenir de Marie Garant, de sa liberté et de sa beauté, de sa rébellion contre les usages et les dépendances. Elle naviguait à son gré, nomade et conquérante. Si elle revint au port après des années d’absence, ce n’était pas « pour revoir les hommes qu’elle avait aimés, mais parce que la Gaspésie, c’était chez elle ». Qu’on la repêche ensuite dans le filet de Vital Bujold complète et termine le mystère de sa vie par le mystère de sa mort. Mystère que tente de percer la fille adulte dont elle a accouché discrètement jadis et confiée à un couple sans enfant. Les premiers efforts de l’enquêteur Moralès pour dissiper les brouillards ne sont guère prometteurs, car il vient d’ailleurs et les Gaspésiens veillent sur leurs secrets. L’auteure devra même doter subitement Moralès d’une intuition d’appoint pour que naisse l’espoir d’une clarification.
Le livre réussit mieux sa Gaspésie que ses Gaspésiens. De belles pages inspirées par la mer permettent d’entrevoir pourquoi les pêcheurs qui savent la voir, l’entendre, la sentir lui demeurent farouchement fidèles. En revanche, leur parlure, comme l’auteure nous la présente, est inutilement répétitive, à tel point que le bègue imposera ses hésitations longtemps après qu’on a compris son mal, que les hiiii surabondent bien au-delà du seuil de tolérance et que le juron favori de tel compère (saint ciboire de câlisse) sera servi cent fois plutôt qu’une. Scories qu’un coup de plumeau aurait empêché d’agacer le lecteur séduit comme l’auteure… par la mer.
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