L’année 2014 marque le centième anniversaire de la parution du célèbre roman Maria Chapdelaine de l’écrivain Louis Hémon, un roman dont l’histoire est bien connue et qu’il ne nous apparaît pas nécessaire de rappeler ici. Bien qu’éditée pour la première fois en volume en 1916, l’œuvre a d’abord été publiée en feuilleton dans le quotidien parisien Le Temps, du 27 janvier au 19 février 1914. Depuis, elle a été rééditée à de très nombreuses reprises. On estime en effet le nombre d’éditions à plus de 250, dont plusieurs sont récentes. Pourquoi alors une édition de plus de ce grand classique ? On trouvera une réponse étonnante à cette question dans la présentation du texte par le professeur Árpád Vígh, de l’Université de Pécs en Hongrie, qui a déjà publié un ouvrage (2002) consacré au style déployé par Hémon dans son roman, et plus précisément aux nombreux québécismes qu’on y trouve. À partir du postulat « qu’un texte littéraire est d’abord une œuvre d’art où l’auteur travaille la langue comme le sculpteur travaille la pierre pour nous livrer à la fin une pièce unique en son genre », le professeur déplore qu’aucune des nombreuses éditions du roman, jusqu’à présent, n’ait respecté le manuscrit original de Hémon (en fait un tapuscrit de 170 feuilles dont une copie se trouve aux archives de l’Université de Montréal). Toutes, et même les quelques éditions qui prétendent être « en tout point conforme au manuscrit original », ont, sous une forme ou une autre, apporté des modifications, surtout des corrections de langue, de coquilles, etc. Or, poursuit Vígh, parmi ces « écarts », « plus de deux cents qui font partie intégrante du langage propre à l’auteur » présenteraient pourtant « une signification particulière ». « Loin de représenter des caprices ou des négligences de la part de Hémon, la grande partie des ‘fautes’ du texte que l’on a coutume de corriger forment un ensemble cohérent et laissent deviner une volonté particulière d’écrire un récit du Canada français en un langage qui ressemble ou qui fait penser à un français d’avant la Conquête anglaise. » En laissant donc « intactes » toutes les particularités orthographiques du tapuscrit de Hémon, en ne faisant « aucune correction » (tout en signalant les coquilles et les particularités en notes de bas de page) et en respectant « jusqu’aux blancs ou absences de blanc entre les signes », la présente édition s’adresse surtout à des lecteurs avertis. Et en attendant que soit plus amplement démontrée la validité du « système cohérent d’archaïsation » qui sous-tendrait ces particularités orthographiques, retenons pour l’instant que cette édition qui livre le récit tel que Hémon nous l’avait légué doit être reçue, nous dit Vígh, comme « un hommage à sa mémoire ».
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