Ces deux énormes tomes des aventures de l’avare le plus célèbre du Québec regroupent des textes inédits sous forme de livre puisqu’ils ne sont parus que dans l’hebdomadaire Nos soirées, entre 1954 et 1956. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces inédits de Claude-Henri Grignon (1894-1976) ne correspondent ni au roman publié initialement en 1933, ni au radio-roman et encore moins au célèbre téléroman Les belles histoires des Pays d’en Haut, diffusé entre 1956 et 1970. Les personnages principaux sont cependant les mêmes et l’intrigue reste similaire, avec Séraphin et Donalda, le bel Alexis Labranche, les curés Labelle et Raudin, le père Ovide, la belle Angélique Pothier et tant d’autres. Celui qui allait devenir Bidou Laloge (le frère aîné de Donalda) s’appelle ici Ti-Mousse. Les sujets abordés annoncent quelquefois le téléroman à venir : le demiard de mélasse que Séraphin confisque à Donalda, les deux sœurs ennemies du bureau de poste, la messe de Noël, la célébration du dernier jour de l’année, et toujours d’un épisode à l’autre beaucoup d’argent prêté en gage par l’usurier à des colons pauvres.
Ces nouvelles aventures d’une vingtaine de pages chacune nous replongent immédiatement dans un lieu familier et dans une langue « paysanne » conforme à nos souvenirs du téléroman. À travers ses personnages (dont certains ont réellement existé, comme le curé Antoine Labelle) et au-delà du triangle amoureux composé de Séraphin, Donalda et Alexis, l’auteur a réussi à construire un récit épique centré sur le projet collectif de la colonisation d’un nouveau pays – ou du moins d’un nouveau territoire à peupler. À un siècle d’intervalle, ces Histoires des Pays d’en Haut ont pris une indéniable dimension identitaire en décrivant le Québec traditionnel de 1889.
Selon Luc Bertrand (dans sa magistrale étude Un peuple et son avare, Sources et histoire d’un téléroman, 2002), Claude-Henri Grignon a souvent répété que son personnage de l’avare de Sainte-Adèle pouvait donner lieu à une infinité de récits et de rebondissements, comme le prouvent ces épisodes exhumés. C’est grâce au collectionneur Rosaire Fontaine que ces documents oubliés ont pu être rassemblés et réédités. Ces nouvelles histoires permettent indéniablement une meilleure connaissance de l’univers inoubliable de Claude-Henri Grignon.
Voir aussi : https://nuitblanche.com/commentaire-lecture/seraphin-3/