La poète Geneviève Amyot n’a pas à être présentée. Emblématique de la poésie québécoise contemporaine, son œuvre, empreinte d’intimisme et de révolte, est pourtant moins connue des nouvelles générations de lecteurs. Voilà pourquoi depuis quelques années Le Noroît s’est donné pour mission de lui redonner la place qui lui revient en rééditant certains titres dont les exemplaires étaient épuisés depuis plusieurs années. C’est le cas de Corps d’atelier, recueil paru en 1990.
Ces poèmes présentent plusieurs thèmes qui sont au cœur de l’écriture de Geneviève Amyot, soit le rapport difficile à l’enfance, au père, à la mère, à la féminité et au corps. Le recueil commence sur l’image d’un corps de femme qui se déploie en ses chairs comme une déesse des âges anciens. C’est la mère, dépeinte avec une certaine vénération mêlée d’effroi, mais aussi de dégoût. Ce corps qu’on nous montre tiédit déjà peu à peu et n’enfante plus qu’un malaise vague. La mémoire reconstitue l’enfance comme un corps disséqué dont il faudrait recoller les morceaux, mais elle ne parvient qu’à engendrer un désordre de plus en plus grand.
Le thème de l’animalité est assez présent lui aussi dans Corps d’atelier. Tout un bestiaire s’y développe et les images liées à la férocité, au sang et à la voracité y voisinent la douceur maternelle de la fourrure et la chaleur d’un ventre, comme en témoigne ce très beau passage où se dénoue le recueil : « Flatte en paix le ventre des / dernières baleines / Toutes étreintes enfin délurées ».
On comprend assez vite, en lisant cette œuvre, en quoi il était nécessaire de la rééditer. Cette voix fragile, qui tâtonne à petits mots répétés et qui rappelle par moments la douceur des comptines, nous attend dans de nombreux détours avec des gifles franches et des mots durs qui réveillent en nous des douleurs enfouies qu’il faut savoir regarder en face. Geneviève Amyot nous rappelle à l’ordre, elle nous impose la lucidité qu’il faut avoir pour vivre vraiment.