« Dans la mythologie grecque, on raconte qu’un brigand nommé Procuste enlevait les passants et les étendait sur un lit dont les dimensions ne convenaient à personne. Le bandit étirait alors les gens trop petits, au prix d’atroces douleurs, ou coupait les membres des personnes trop grandes. Cette légende montre bien que rendre les humains conformes à un modèle idéal relève de l’utopie et que l’on ne peut tenter de le réaliser que dans la souffrance et la persécution. » C’est ainsi que l’auteur, enseignant, conférencier et militant altermondialiste Claude Vaillancourt introduit son propos.
Il souligne que, de tout temps, les sociétés ont eu tendance à sacrifier les êtres marginaux et dérangeants de façon parfois discrète, parfois violente. Ces êtres différents dont il fallait se débarrasser ont été, entre autres, selon les époques et les circonstances, « l’hérétique, le Juif, l’homosexuel, l’étranger, le handicapé, le fou et même la femme, lorsqu’elle a essayé de sortir du cadre dans lequel on l’a enfermée ». La pression exercée est donc très forte afin que les gens se conforment aux normes sociales, en dépit de la soif plus ou moins grande d’individualité qui les habite. Parmi les grandes entreprises menées contre des boucs émissaires trop différents, il y a eu l’Inquisition, contre les hérétiques, et le génocide mené par les nazis, en particulier contre les Juifs, mais aussi contre d’autres groupes, comme les Tsiganes, les handicapés ou les personnes séniles.
De nos jours, il est devenu moins acceptable d’opprimer ceux qui sont différents. Un contrôle plus subtil s’exerce sur les populations par des gouvernements, des groupes privilégiés et les grands médias qui en arrivent à imposer leurs intérêts en utilisant le procédé que Noam Chomsky et Edward Herman ont appelé la « fabrication du consentement ». Ainsi, « l’homme unidimensionnel […] répétera comme ses semblables, sans trop y penser, ce que l’on dit à intervalle régulier à la télé, à la radio et dans les journaux ». Cette mainmise d’un petit nombre sur les idées qui circulent contribue à maintenir leur pouvoir et à accroître les disparités économiques.
L’essai de Claude Vaillancourt porte à réfléchir sérieusement sur « l’échec de notre système économique [qui] est chaque jour plus flagrant à cause des inégalités qui s’accentuent et des atteintes systématiques très graves à l’environnement ».