Cette nouvelle édition de Jacques Ferron malgré lui est enrichie de six textes substantiels écrits et publiés entre 1970 et 1996. Sur la quatrième de couverture est reproduit ce qu’en disait le professeur Réjean Robidoux, en présentation de la première édition. « En lisant ce livre, écrivait-il, je me demande s’il faut louer davantage Jacques Ferron d’être ce qu’il est ou bien Jean Marcel de l’avoir justement saisi et exprimé comme il l’a fait. La coïncidence entre les deux est parfaite, l’un apportant un riche fonds et l’autre la lumière critique. »
On ne peut en effet qualifier autrement que de lumineuses les savantes analyses de Jean Marcel de l’œuvre de Ferron. Savantes et, plus encore, intelligentes et sensibles.
Intitulé « Il est midi, docteur Ferron », le premier chapitre donne dans toute son étendue et sa profondeur la qualité et le sens de l’entreprise, en ce qu’elle laisse la parole à Ferron, dans un entretien admirablement dirigé, justement basé sur une connaissance exhaustive de l’œuvre et une immense estime pour l’homme. Il en ressort une éblouissante mise en perspective de l’aventure ferronienne et une mise en relief de son indubitable importance dans la littérature québécoise.
Car tout est là, Ferron est un écrivain d’ici et pour ici. « Un écrivain sans peuple, c’est une sorte d’escogriffe de chimère », selon lui. Ainsi puise-t-il constamment son inspiration dans le fonds de notre société. Et à Jean Marcel qui lui demande d’expliquer pourquoi la plupart de nos écrivains méprisent ce fonds, il répond : « Parce qu’ils n’ont jamais voulu s’en servir. Ce sont des provinciaux, d’aucuns diraient des colonisés ». Comme tout grand écrivain, Jacques Ferron se nourrit de toute la culture de sa patrie et s’en tient responsable.
Jacques Ferron se dit redevable à la médecine de n’avoir pas été livré aux lettres, d’avoir pu les choisir, comme il affirme devoir à la littérature d’être arrivé à la politique. Cette conjugaison des intérêts et des pratiques de l’écrivain n’explique pas, bien sûr, le génie de son œuvre qui tient dans l’absolue originalité de son style. Élément fondamental qui fait l’objet des études et analyses des chapitres suivants de l’ouvrage. On y découvre ou redécouvre avec fascination et bonheur les caractéristiques des qualités de ce style qui fait dire à Jean Marcel : « Tout votre édifice ne tient que par cette seule pierre, magique et solitaire ».
Il me faut aussi souligner la pertinence du chapitre intitulé « Présence de Ferron », consacré à la démonstration de la nécessité de l’institution littéraire dans la reconnaissance et la pérennité d’une œuvre.