La narratrice de La mort de Peter Pan nous entraîne dans une quête de sens, le sens de sa vie après la mort prématurée de Malcolm Wendell Walker, le sens de cette mort, et aussi de la vie de celui-ci. Elle surnomme « Malcommode » cet être singulier, à la fois redouté et terriblement attachant. Il a été son amant et leur amour, une suite de renvois, de rappels, d’embrasements, de refroidissements. Neuf mois après leur rencontre, Malcolm lui a faussé compagnie. Il a péri dans l’incendie que sa cigarette allumée et oubliée a provoqué. Depuis, le jeune homme de 30 ans, l’« Irlandais », bohème, buveur, boucher de profession, continue de la hanter, alors qu’elle a dépassé son âge et le siècle qui les a vus naître. Rien ne les délie.
Qui était vraiment Malcolm ? Pourquoi ce lien qui perdure ? La narratrice amorce une quête de sens qui ressemble fort à une enquête dont elle lui dévoile tous les moments, tous les dessous en s’adressant à lui. Elle convie les gens qui l’ont côtoyé, aimé, connu, sa mère, ses amis, ses amantes. Elle les questionne et tente de glaner des réponses susceptibles d’éclairer le parcours difficile de cet errant dont la trace lumineuse de comète entretient l’attachement de tous et de toutes. Elle visite les lieux tristes de son enfance de délaissé, de son adolescence de « mal-parti ». Ici ou ailleurs, elle interprète les mille et un signes que sa soif de comprendre intercepte au hasard ou débusque en deçà ou au-delà du réel. Elle tente de les rassembler en une genèse d’abandons, à lire, à méditer, qu’elle écrit chapitre après chapitre. « Les morts sont inépuisables, brasiers de nature à être ravivés », note-t-elle. Au fil de ses recherches sur Malcolm, sur son père absent, elle aborde ses propres mystères. Elle suit la piste de la jeune femme en colère jusqu’à rejoindre la femme plus nuancée, mais toujours affirmée, qui clôt le récit de cette perte. Ses mots ont donné voix à la souffrance et à l’amour. Malcolm est devenu le personnage de roman qu’il devinait déjà dans ce qu’elle saisissait de lui, et lui d’elle. Ils peuvent poursuivre leur trajectoire de vivants.
Le septième livre de Claire Varin cumule les propositions de lecture. Elles naissent du récit même de l’enquête et l’enrichissent aussitôt. D’abord, ce livre nous engage dans une réflexion sur la mort, sur nos façons de l’esquiver, sur la nécessité de l’intégrer à la vie, sans morbidité, pour une meilleure compréhension du monde. Puis, il nous ramène à différents moments, entre les années 1950 et les années 1980, qui ont forgé les êtres et la collectivité que nous sommes. Il ne maquille aucune réalité, n’atténue aucune responsabilité. Surtout, il pousse loin l’exploration du sens et des enjeux des situations données à partir du seul matériau qu’est la langue, et ceci parce que l’auteure ne craint ni le travail sur les mots ni ce qu’ils révèlent, émotions, sentiments ou idées. En résulte un récit touchant et incisif. Seul peut-être un épisode s’avère moins prenant, celui du voyage outre-mer sur les traces du père disparu qui n’a que peu donné et nous renvoie malheureusement à la surface des choses en s’attardant trop longuement aux lieux visités. Outre cet éloignement momentané du cœur de la quête, celle-ci trouve son aboutissement et le livre sa justification.