Nonagénaire, Benoît Lacroix demeure fidèle à lui-même, à sa foi, à ses racines, à ses innombrables contributions sociales et culturelles. Encore et toujours, il se place sur le versant ensoleillé de l’existence, sur la capacité du fleuve à mériter la mer. « Quels seraient vos six mots à vous ? ‘ Amour, étude, don de soi, acceptation, compassion, prière. »
Benoît Lacroix ne se prête guère à l’analyse sociopolitique. C’est un peu dommage, car ses quelques « échappées » plus ou moins candides laissent le lecteur sur sa faim. Il n’arbitre pas entre René Lévesque et Pierre Elliott Trudeau. Invité à comparer Lionel Groulx et Georges-Henri Lévesque, il prend la tangente : « […] deux baobabs ! Ils s’estimaient autant qu’ils se craignaient. Jalousie ? Qui sait ! » Il peine toutefois à dissimuler sa préférence : « À mon avis, L. Groulx comme penseur, écrivain et orateur est supérieur à G.-H. Lévesque qui, lui, l’emporterait comme homme d’action et éveilleur politique. Déjà, G.-H. Lévesque a sa ‘statue’ près de l’université. Lionel Groulx attend encore. C’est une grave injustice sociale ! Un oubli que G.-H. Lévesque serait le premier à regretter ? J’aime à le croire ». Quelques pages avant, Lacroix avait fait un sort à l’antisémitisme présumé de Groulx : « Une jeune étudiante à l’université, dont la thèse est dirigée par un professeur ouvertement antinationaliste, a produit un texte encombré de faussetés… » Cette franchise, Lacroix la pratique à propos de l’université : « L’avenir des universités me préoccupe. Le rapport entre la recherche et les universités. Et l’indépendance d’esprit des universités, dès leur fondation, qui se trouve menacée, parce que les nouvelles universités devront être financées par des compagnies, par des millionnaires. Et la liberté académique ? »
Le Québec doit tellement à Benoît Lacroix qu’on ne lui reprochera que très modérément ses restrictions mentales. Les intervieweurs auront eu la délicatesse de ne pas insister quand il aurait été disgracieux de le faire.