Couvrir 200 ans d’histoire de 33 pays souverains, séparés par de multiples langues, représente un défi majeur. Non seulement l’histoire politique de l’Amérique latine est échevelée, en raison des coups d’État, du caudillisme et en vertu des pressions extérieures qui ont influé sur la région, mais la prise en compte de ses dimensions culturelle, économique et sociale complique l’entreprise. Il importe, dans ce contexte, de signaler le caractère pédagogique, précis, limpide de la démonstration proposée par José del Pozo dans Histoire de l’Amérique latine et des Caraïbes, qui en est à sa deuxième édition en français à partir d’une traduction de l’original espagnol. Cette édition est augmentée en amont et en aval, en ce sens qu’un chapitre a été ajouté afin d’expliquer les causes et les conséquences des luttes d’indépendance et qu’une mise à jour a été produite pour répondre aux mutations actuelles du sous-continent (entre autres, émergence d’une gouvernance de gauche depuis les années 2000).
La thèse défendue par del Pozo avance que ce qui unit le continent est une démarche ardue, souvent bloquée, marquée par les régressions, afin de réaliser une démocratisation de la société latino-américaine. Cette ligne directrice, qui donne à la fois une trame pour expliquer une bonne part des événements marquants survenus depuis les indépendances, une unité à l’interprétation historique et un point d’appui pour comprendre les clivages sociaux et les lignes de force tant à l’échelle régionale que nationale, est construite autour d’une périodisation tributaire de transformations propres à la région, d’une structure en chapitres qui insiste d’abord sur les relations internationales, puis sur l’économie et la politique pour glisser ensuite vers la culture, les pratiques populaires. En ce sens, l’ouvrage ratisse très large, au risque de se perdre dans des généralités, mais del Pozo note toujours la pertinence des manifestions abordées et laisse peu d’éléments importants de côté.
Originaire du Chili, professeur à l’Université du Québec à Montréal, l’auteur sait prendre ses exemples dans les situations qu’il connaît le mieux, d’où la surreprésentation chilienne dans son essai, mais cette manière de faire a l’avantage d’établir des liens étonnants, comme toutes ces allusions aux liens entre l’Amérique latine et le Canada. La curiosité de del Pozo, mariant la viticulture, le sport, la musique populaire à l’émergence de pratiques associatives démocratiques, donne un souffle et une originalité à son ouvrage.