Nuit blanche (no 99, juillet 2005) avait déjà encensé la biographie sur Claude Léveillée couvrant ses débuts jusqu’à l’année parisienne passée aux côtés d’Édith Piaf. Ce deuxième tome débute avec le retour à Montréal du compositeur qui signe, en 1962, sa chanson « Frédéric », en hommage à son frère prénommé Jean ! Pour les besoins de la musicalité, il faudra transformer la réalité : « Désolé mon frère, ton prénom n’est pas musical ; atrophié de deux pieds, ça ne marche pas, c’est l’évidence même ». Toute une génération de « Frédéric » nés au Québec après 1962 ignore peut-être que Léveillée pensait à son frère aîné mais aussi à Chopin en écrivant sa chanson emblématique.
Les années 1960 restent les plus fertiles en collaborations multiples : spectacles à la Place des Arts, tournées en URSS (1968 et 1973), en Scandinavie, en Asie centrale, en Algérie. Le témoignage de Gilles Vigneault sur leur collaboration est précieux : on apprend que Léveillée avait mis en musique un texte inédit d’Édith Piaf dont il n’était pas satisfait ; après quelques essais, Vigneault écrivit un autre texte sur la même mélodie pour donner « L’hiver » (1963), l’une des plus belles chansons du répertoire de Monique Leyrac. Les chapitres qui suivent abordent autant la création, les partenariats, les amitiés que la vie sentimentale. Puis viendront des années plus difficiles : le combat contre les dépendances comme l’alcool, les médicaments, la cigarette. Comble de malheur, son fils Pascal se suicide en 1980. Une nouvelle ère reviendra, avec sa participation à la télésérie Scoop. Sa magnifique chanson « L’Étoile d’Amérique » deviendra le thème de Star Académie. Mais auparavant, un jour de 2004, le pianiste s’est effondré sur scène, victime d’un AVC qui le laisse sans voix.
L’énorme travail de recherche de Marie-Josée Michaud permet d’apprécier de nombreux documents inédits : correspondance de Léveillée avec ses parents durant son séjour à Paris, lettres d’André Gagnon et de Jacques Languirand adressées à Léveillée. En annexes, on trouve une discographie illustrée, des paroles de chansons, des témoignages et même un index. Les caprices de l’artiste sont également révélés ; ainsi rechigne-t-il à verser un cachet à son gérant Pierre Jobin, et reproche à des bénévoles de ne pas bien préparer son spectacle. Après être sorti de l’ombre en 1985 pour l’émission Sacrée soirée (25 millions de téléspectateurs sur TF1), Léveillée refusera toutes les offres des producteurs européens qui se mettent à ses pieds, après avoir redécouvert l’ampleur de son talent.