En 1976, alors qu’il est incarcéré en France, Jacques Mesrine écrit un document autobiographique qui sera publié chez Lattès l’année suivante. Trois ans plus tard, il mourra au volant de sa BMW, Porte Clignancourt à Paris, tué à bout portant par des policiers au terme d’une opération qui soulève encore aujourd’hui certaines interrogations. À l’occasion du trentième anniversaire de sa mort, le document original est republié.
Ce livre surprend par sa construction : il est écrit d’une traite, sans chapitre, mis à part la coupure au milieu du livre, moment qui correspond à son arrivée au Canada. Cette étape montre un changement dans la façon d’agir du criminel. Désormais, il braque les banques à visage découvert, agissant en gentleman avec les caissières, évitant tout échange de coup de feu pour éviter de blesser des innocents. Il faut dire que c’est encore la belle époque pour les braqueurs de banques, faute de haute technologie.
Dans les premières pages, Jacques Mesrine raconte sa jeunesse durant la Seconde Guerre mondiale. Pendant que son père, soldat pour la France, est emprisonné, sa mère l’envoie chez un cousin qui côtoie des groupes de résistants. Vers la fin de la guerre, Jacques voit pour la première fois un homme mort (un résistant ?), image indélébile qui le marque. Puis, c’est le retour à Paris une fois la guerre terminée ; l’école qu’il n’aime pas, ses premières amours, sa première fugue. Survient la guerre d’Algérie où il s’engage comme soldat. Élément intrigant, alors que Mesrine ne lésine pas sur les détails tout au long du récit, y compris sur certains de ses crimes, il devient soudainement amnésique sur cette période de sa vie, se contentant d’expliquer les conséquences qu’aura sur lui-même son expérience de militaire plongé au cœur de ce conflit.
La guerre terminée, c’est le dur retour à la vie civile, loin de l’armée. Et c’est l’engrenage : le premier larcin, le premier vol d’envergure, le premier meurtre… Il ne peut plus faire marche arrière. Il tente pourtant de devenir un citoyen « normal » ayant une vie de couple, des enfants et un emploi stable. Mais ça ne dure qu’un temps.
Ce qui surprend de ce récit, c’est la personnalité de ce criminel, à la fois naïf et cruel. Naïf dans ses relations, dont quelques-unes auraient pu lui être fatales s’il n’avait pas été prévenu par des amis. Et cruel lorsqu’il règle des comptes sans sourciller. Un récit absolument passionnant.