Frédéric Jacques Temple vénère trois choses : sa ville natale, les arts en général et la poésie en particulier. On comprendra donc que ces éléments essentiels traversent les 389 pages de ce « faux journal » magnifiquement intitulé Beaucoup de jours. Car des jours, des semaines, des mois et des années, l’écrivain français y aura eu droit en quantité très honorable au cours d’une vie où il a côtoyé certains des plus grands noms des arts et de la littérature.
Né en 1921 à Montpellier, dans le sud-est de la France, Temple ‘ dont le nom serait hérité d’un lointain ancêtre templier ‘ n’a jamais tenu le moindre journal. Où en aurait-il trouvé le temps ? À 22 ans à peine, le voilà dans le corps expéditionnaire français du général Juin, formé en bonne partie de fantassins arabes et africains des anciennes colonies, parmi lesquels, à bord de son tank, il remonte la botte italienne jusqu’aux portes de l’Allemagne en déroute. Blessé, décoré, il restera profondément marqué par cette Deuxième Guerre mondiale qui hante les pages de son œuvre. Un temps journaliste au Maroc puis à Montpellier, il devient, en 1954, directeur du Bureau de la radiodiffusion-télévision française (devenue l’ORTF, puis FR3) pour le Languedoc-Roussillon. Il y restera jusqu’en 1986, multipliant les productions consacrées aux écrivains et aux artistes, avant de consacrer tout son temps aux voyages et à l’écriture d’une œuvre entreprise dès 1945 avec la publication de poèmes à laquelle se sont ajoutés au fil du temps, outre une trentaine de recueils de poésie, de nombreux romans, essais, livres d’artiste et traductions littéraires.
De véritable journal, donc, nulle trace. L’écrivain décide cependant d’imaginer ce faux journal impossible et sans dates précises qui débute l’année même de sa naissance et se poursuit au fil de huit décennies. Le lecteur y croise ses amis d’un bord et de l’autre de l’Atlantique : les peintres Jean Hugo, Vincent Bouliès, Pierre Soulages et René Derouin, les écrivains Henry Miller, Blaise Cendrars, Lawrence Durrell, Joseph Delteil, Richard Aldington, Jean Carrière, Camilo José Cela, Gaston Miron, Pierre Nepveu Il le suit lors des conférences et rencontres internationales d’écrivains au Québec, en Bretagne, en Irlande, en Russie, au Brésil. Il se promène à ses côtés dans le désert du Nouveau-Mexique ou dans la campagne anglaise sur les traces de David Herbert Lawrence auquel Temple a consacré une biographie.
Choix ou pudeur, Frédéric Jacques Temple mentionne à peine la naissance de ses trois enfants, son divorce et sa seconde compagne, Brigitte. Beaucoup de jours est en fait essentiellement consacré à raconter les expériences de sa vie qui ont marqué son œuvre et, surtout, à rendre ainsi une sorte d’hommage aux écrivains et aux artistes qu’il a croisés et qu’il a beaucoup contribué à faire connaître. Il faut toutefois franchir une centaine de pages ‘ celles consacrées à l’enfance et à l’adolescence où l’auteur parle, de façon elliptique, de personnages et de situations circonscrites dans l’histoire de la région de Montpellier au début du XXe siècle ‘ avant d’entrer pleinement dans l’univers de Temple. Le lecteur québécois en particulier regrettera l’absence de notes biobibliographiques qui auraient complété le portrait de ce fascinant homme de lettres et de culture.