Jean-Paul Enthoven est un journaliste et un critique français qui vient de publier un quatrième livre chez Grasset : Ce que nous avons eu de meilleur. Tout en rendant hommage, avec le titre de ce roman autobiographique, à L’éducation sentimentale de Flaubert, il s’intéresse à la fin de la jeunesse, cette période où l’on « n’escompte plus de grands bouleversements intérieurs ou extérieurs ». Le narrateur, qui réussit à être émouvant malgré l’aspect futile de son univers, raconte les moments qu’il a passés dans un palais marocain appartenant à son meilleur ami (Lewis, un personnage en qui le lecteur reconnaît le flamboyant Bernard-Henri Lévy).
Il faut souligner, tout d’abord, l’importance du décor exotique de la Zahia (qui signifie « joie » en arabe), nom du palais en question ; Paul et Talitha Getty, ainsi que leur successeur Alain Delon, en ont fait autrefois une oasis de volupté et de plaisirs pour le jet-set international. Cette vocation pour la jouissance s’est maintenue lors du règne de Lewis et de sa femme Ariane, ce qui permet à Enthoven de construire un texte mélancolique où les figures et les fantômes du passé (comme ceux de Marlon Brando, Maurice Ronet ou Talitha Getty) habitent toujours le présent.
La voix d’autres auteurs, également, hante le roman à travers les scènes, les portraits et les méditations qui le composent. Par exemple, le rythme est régulièrement brisé par de froides analyses, c’est-à-dire des interrogatoires qui, à leur manière, rappellent le style de Stendhal, un personnage familier de l’imaginaire du narrateur.
En plus de comporter nombre de références littéraires, l’ensemble du roman est soutenu par une belle écriture. Il faut dire que c’est la principale qualité du bouquin. C’est d’ailleurs celle-ci qui, devant la superficialité du monde qui est décrit, convaincra certains lecteurs un peu agacés de lire le livre jusqu’à la fin.