Le poète Simon Dumas dédie son dernier recueil à l’écrivaine Geneviève Amyot. Mais il fait bien plus que le lui dédier : tout le recueil, intitulé La chute fut lente interminable puis terminée, est en fait une conversation entre elle et lui, entre l’œuvre lue et aimée et l’œuvre nouvelle, en travail. Page après page, Dumas convoque Amyot. Il s’adresse à elle, l’appelle, la berce, l’interroge, la remercie. Ainsi, c’est toute la question de l’intimité qui se voit posée, cette intimité qui se développe immanquablement entre l’œuvre que nous aimons, qui nous est proche, et notre propre existence, notre propre parole : « J’ouvre un livre, geste nécessaire pour parcourir la distance de la solitude à un espace habitable », écrit Dumas.
Lire, donc, pour trouver la force d’exister, pour partager sa solitude avec celle d’un autre, pour supporter l’attente et le doute qu’implique toute activité créatrice. On entend en effet, dans ce tête-à-tête entre Dumas et Amyot – tout en murmures et en caresses -, ce qu’il faut de désœuvrement et d’errance lorsqu’on écrit : « Des mots tâtonnants et une si grande distance à parcourir ». On y entend également une soudaine attention à tous ces petits riens du quotidien, qui surgissent lorsque l’on se tient dans le vide de la chose à dire, de la phrase à achever, de la page à tourner : « Tout concentrer en un seul point, minuscule, et parier à savoir s’il sera blanc ou noir ».
Par-dessus tout, ce que vient rappeler ici le poète, c’est ce lien étroit, cet indénouable rapport qui unit écriture et lecture. La tendresse du lecteur à l’endroit non seulement des œuvres qui l’accompagnent, mais de la vie même de celui, de celle, de ceux qui s’y sont livrés, corps et silence et nuits blanches et petits matins pluvieux confondus. Et toute voix qui vient au monde, à la parole, n’est peut-être justement que cela : une sorte de dette envers ces autres voix, lues, entendues, chéries, parties, revenues, chacune d’entre elles « un point de départ pour la voix ».