L’éthique du vampire ressemble un peu à une longue lettre aux lecteurs, qui aurait été rédigée sous le coup de la colère par un utopiste déçu. Indignation contre la guerre, contre l’idée même d’armée, contre le sort réservé aux femmes afghanes, contre le néolibéralisme économique, etc. Indignation surtout devant la riposte militaire de l’Occident face au terrorisme dont il a été la cible car, pour l’auteur, ce terrorisme serait la conséquence des actes de violence commis depuis des siècles à l’endroit des sociétés qui sont les commanditaires de cette riposte. Par-dessus tout, ce livre est une relecture critique (le mot est faible) du discours justifiant l’engagement canadien en Afghanistan.
Francis Dupuis-Déri enseigne les sciences politiques à l’Université du Québec à Montréal. C’est aussi un militant pacifiste, altermondialiste, sympathisant de la gauche radicale, qui n’hésite pas à monter aux barricades pour défendre ses idées. Si l’on doit assurément saluer la cohérence de l’individu qui aligne ses actions sur ces convictions, on doit se méfier de l’intellectuel militant qui se présente en éclaireur de consciences. Pour le militant, en effet, il s’agit moins d’informer son lecteur que de le convaincre de la justesse de ses vues. Or, les analystes doctrinaires, loin d’éclairer le débat, ajoutent à l’opacité du discours en projetant sur les événements leurs propres a priori intellectuels. Chez Dupuis-Déri en outre, la dénonciation est faite avec de telles outrances de langage que le lecteur le mieux disposé finit par se sentir agacé. On a bien raison de dire que la première victime, dans tout conflit, c’est la vérité.
On ne saurait reprocher à Francis Dupuis-Déri d’avoir sa vision du monde, de la défendre et de vouloir en faire la promotion. Mais il est bon d’aviser le lecteur qui cherche à avoir une meilleure compréhension des problèmes de son époque qu’il ne trouvera pas réponses à ses questions dans L’éthique du vampire. Comme autrefois le curé distribuant les anathèmes du haut de sa chaire dominicale, Francis Dupuis-Déri ne convaincra que ceux et celles qui sont déjà convertis à ses idées.