La désuétude du genre de la fable semble, de nos jours, irrévocable. Si les Fables de La Fontaine survivent miraculeusement dans la mémoire littéraire collective, bien qu’on les lise de moins en moins, les grands versificateurs français, de Boileau à Racine, n’ont plus tellement la cote auprès du grand public, et du côté des écrivains, les fabulistes soucieux de respecter les règles de la versification classique et d’énoncer des moralités ne sont pas légion. Aussi l’avant-propos que François Lavallée place en tête de ses vingt-quatre « fables d’ici pour maintenant » a-t-il son utilité pour dissiper les appréhensions auxquelles un tel projet peut se heurter. L’auteur n’en est pas dupe : les textes en vers mesurés sont, au moins depuis l’avènement des cégeps, en passe de sembler irrémédiablement rébarbatifs. Or, aux yeux de celui qui se décrit lui-même comme un « racinophage », cette perte d’intelligibilité reste un mystère, quand on songe que le vocabulaire de Racine dans ses drames n’outrepasse guère les 2000 mots. Quand la fontaine coule dans la vallée est l’aboutissement d’un parcours qui a débuté en 1994, quand, pastichant La Fontaine pour le plaisir, Lavallée s’est peu à peu laissé prendre à vouloir se réapproprier le genre de la fable et le remodeler en fonction du monde d’aujourd’hui. C’est ainsi que, dans une langue accessible, colorée et vivante, où Maître Ziploc remplace Maître Corbeau et où le mot « perplexe » rime avec « Windex », l’auteur nous présente des fables d’un type particulier. Tantôt, un « pédégé pollueur », horrifié par une tache, préfère donner ses « quatre pour cent » à une domestique négligente que de passer pour l’habitant d’un taudis. Tantôt, un amateur de hockey, « buveur de Molson », est « en beau fusil » après un match sans bagarres. François Lavallée avait déjà démontré son sens de la formule dans ses recueils de nouvelles (Dieu, c’est par où ?, 2006 ; Le tout est de ne pas le dire, 2001). Si ce volume ne remettra pas Corneille ou Malherbe à la mode, il vaut néanmoins comme hymne sympathique au plaisir des mots.
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