« On aurait tort d’assimiler Poe à un seul genre littéraire, dont il n’a d’ailleurs cessé de ridiculiser les clichés : la nouvelle horrifique. » Je ferai mien cet avertissement du traducteur Lionel Menasché, qui rappelle qu’Edgar Allan Poe (1809-1849) a trop souvent été réduit à un seul style, le macabre, qui cache en fait la profondeur de son œuvre.
Dans Marginalia et autres fragments, Poe parle du lecteur qu’il est, qui apprécie les larges marges dans les livres, afin de pouvoir les annoter. Par cette habitude, tout lecteur peut se confier ses propres impressions, ses pensées, et de ce fait pratiquer dans son salon et pour lui-même « l’art de la critique littéraire ». Cette réflexion initiale qui permet de relativiser le métier de critique donne son titre à ce livre. Plus loin, Poe donne des conseils aux futurs écrivains et souligne l’importance pour un ouvrage d’avoir un bon chapitre d’ouverture : « Que de livres excellents sont dédaignés, en raison de la faiblesse de leur début ».
Je dois avouer que je ne connaissais pas les aphorismes, maximes, suggestions et courts essais contenus dans ce recueil, tous rédigés entre 1844 et 1849. Les sujets abordés sont variés : la philosophie, la critique littéraire, la ponctuation, les « classiques » de la littérature mondiale (de Thomas Moore, Charles Dickens, Homère, Voltaire, et plusieurs autres). En outre, Poe se permet même une « critique de la critique » publiée à propos de sa nouvelle « La vérité sur le cas de M. Valdemar ».
Les notes explicatives de Lionel Menasché, regroupées en fin de volume, occupent seulement une dizaine de pages. Par ailleurs, on aurait souhaité voir des sous-titres entre les fragments, afin de pouvoir se repérer dans un recueil sans subdivision ni véritable fil conducteur. On apprend que les fragments et autres projets inachevés de Poe représenteraient plusieurs volumes ; nous ne trouvons ici qu’un aperçu. Les textes de Marginalia et autres fragments ne suffiraient certainement pas à donner à leur auteur son incontestable notoriété, mais leur lecture permet de trouver un esprit totalement différent et souvent érudit au poète du « Corbeau ».