Apaisant. Tant pour l’auteur que pour les lecteurs. Telle est l’expression qui vient au cœur et aux lèvres à la lecture de La maison du retour de Jean-Paul Kauffmann, otage français au Liban de 1985 à 1988. Célèbre malgré lui, l’ancien journaliste de L’Événement du jeudi met seize ans à raconter son retour à la vie, tel « un plongeur qui remonte par paliers ».
Lentement – et il serait bien malvenu d’être plus pressé que lui -, Kauffmann parle de la découverte et de l’achat des Tilleuls, ancien bordel pour officiers allemands, situé au cœur des Landes de Gascogne, près de Bordeaux. « Ce qui me plaît dans les Landes, c’est l’absence de clôtures », admet cet ex-prisonnier politique.
Kauffmann suit de près, avec prudence, la rénovation de cette demeure ; il la fait sienne avec un rien de détachement. « Il est classique de comparer l’appropriation d’une maison à une relation amoureuse. » Kauffmann analyse et partage ses renaissances. Et – pourrait-il en être autrement -, il se tient loin des maisons « nées d’images traînant dans les magazines, qui veulent signifier le personnage qu’on voudrait être ».
Nous nous étonnons avec l’auteur de la petite fenêtre en trompe-l’œil « peinte en bleu comme les volets » et du magique airial landais qui « ni jardin, ni parc » est un espace ouvert devant la maison.
Les plaisirs lui reviennent et Kauffmann s’en délecte, comme il sied à un convalescent : « […] je me relève d’une longue maladie ». Il déguste les vins de (grande !) qualité, l’agneau pascal et l’ortolan « si rare qu’il n’est dégusté qu’entre amis ». Il relit les Géorgiques de Virgile, il écoute « en boucle » Il Ritorno di Tobia, oratorio de Haydn. « J’aspirais à la paix, à la substance et à la fluidité des choses. »
La parution des Versets sataniques de Rushdie et la fatwa qui s’en est suivie l’atteignent dans l’âme. Il demande avec lucidité : « […] cette maison m’a-t-elle guéri ? » Magnifique, limpide, l’écriture demeure pudique. « Il est des choses qui doivent n’être jamais dites mais qu’il importe de partager. »