Pourquoi écrire ? La belle collection « Écrire » des éditions Trois-Pistoles cherche à répondre à cette question en donnant la parole aux auteurs québécois. Dans L’humain isolé, Louis Hamelin raconte, en quelques vignettes imagées, ses débuts en littérature, comme lecteur vorace, puis comme écrivain. Deux éléments reviennent de chapitre en chapitre. D’abord, Hamelin rappelle le lien indissociable qui s’établit entre la lecture et l’écriture, les livres lus, puis commentés pour les journaux, stimulant l’écriture et créant un imaginaire. Ce qui nous vaut d’intéressantes réflexions sur la littérature étatsunienne, où il distingue deux grandes traditions d’écriture, l’une liée à William Faulkner et au débordement, l’autre associée à Ernest Hemingway et à la concision (tradition qui s’applique aussi, à mon sens, au Québec où Victor-Lévy Beaulieu et Jacques Poulin en incarneraient les deux pôles), et sur la place de la nature (l’imaginaire débridé de la nomenclature des espèces) et du mot recherché dans son œuvre. Le dictionnaire et les ouvrages sur la faune prennent alors les dimensions d’une caverne d’Ali Baba. Ensuite, l’auteur de La rage présente ses familles élargies, les écrivains qui l’accompagnent, de Christian Mistral, frère générationnel, à Gaston Miron, en passant par ses amis contre-culturels, évoqués dans un vibrant chapitre.
Pourtant, la plaquette de Louis Hamelin part dans tant de directions (l’exotisme, le désir de créer, le rapport France-Québec, l’édition, la critique, etc.), explore trop peu ses images fortes, laisse en plan des réflexions à l’origine stimulantes, qu’elle ne parvient pas à brosser une démarche d’écriture. Tout se passe comme si les courts chapitres qui composent cet essai ne s’imbriquaient pas, abandonnant les lecteurs à l’orée d’une réflexion qui les avait tout de même titillés. Conséquent avec ses thèmes chers (la nature, l’isolement, l’observation), avec sa faconde ironique qui sied si bien à ses personnages, Hamelin explore un coin de son atelier d’écriture, que nous soupçonnons vaste comme les forêts du Nord. Le léger dépit que provoque cet essai n’est pas lié à son intéressant contenu ni aux conceptions littéraires de son auteur, mais au fait qu’il s’arrête ainsi en chemin, à la lisière d’un espace à défricher.