Ce catalogue richement illustré de La Martinière, coédité avec la Cinémathèque française, pourrait devenir l’une des trois principales références en langue française sur l’âge d’or du cinéma allemand, avec les livres de Lotte Eisner, L’écran démoniaque (1952) et de Siegfried Kracauer, De Caligari à Hitler (1947 et 1973). Il s’agit certainement du plus important ouvrage sur l’expressionnisme paru depuis vingt ans.
L’expressionnisme allemand a été un mouvement artistique pluridisciplinaire touchant la peinture, la littérature et le cinéma, entre 1905 et 1933. En écho à la magnifique exposition sur le sujet, le catalogue présente en textes et en images les longs métrages les plus marquants : Le cabinet du Docteur Caligari et les films fabuleux de Fritz Lang, F. W. Murnau, Georg Pabst.
Parmi les textes, « Le monde est là, pourquoi le reproduire ? » regroupe une série de définitions de l’expressionnisme depuis un siècle. Dans un texte précédent, le réalisateur Werner Herzog réaffirmait son attachement aux années 1920, soit deux générations avant la sienne, contrastant avec son rejet de la culture allemande des années 1940, trop liée à l’idéologie nazie. Herzog répétera en 2006 : « […] nous sommes une génération sans pères ». Un autre chapitre retrace la vie de l’historienne du cinéma Lotte Eisner, co-fondatrice de la Cinémathèque française.
Parmi une foule de documents iconographiques inédits, on découvre une lettre de Siegfried Kracauer, adressée, en français, à Lotte Eisner en 1946, ce qui confirme que les deux grands spécialistes du cinéma allemand ont entretenu une brève correspondance. On voit aussi, reproduite pleine page, la couverture originale en couleur du livre Expressionnismus und Film, dessinée en 1926 par Paul Leni. On apprécie en outre de merveilleuses esquisses de décors et de costumes ayant servi à l’élaboration de plusieurs classiques du cinéma (comme Métropolis), sous la plume même de leurs créateurs : Walter Röhrig (pour Le cabinet du Docteur Caligari), Otto Hunte (pour Siegfried), Robert Herlth (pour Faust). La plupart de ces documents sembleront nouveaux, même aux spécialistes.
Un pur délice pour l’œil, ce catalogue ! Je prédis que Le cinéma expressionniste allemand, Splendeurs d’une collection deviendra rapidement un choix de collectionneurs, et bientôt une rareté.