Les éditions Joëlle Losfeld ont entrepris de rééditer, dans la collection « Arcanes », les œuvres de Jean Meckert (1910-1995), mieux connu sous son pseudonyme d’auteur de polars, Jean Amila. Avant d’entrer dans la Série Noire au début des années 1950, Meckert avait déjà fait paraître près d’une dizaine de titres dans la collection « Blanche » de Gallimard, dont son chef-d’œuvre Les coups (1942), acclamé par Raymond Queneau, André Gide et Roger Martin du Gard. Le premier titre paru chez Joëlle Losfeld, La marche au canon, est une œuvre inédite, retrouvée par hasard dans les malles de Laurent Meckert, le fils de l’écrivain. Dès les premières pages, on est plongé au cœur d’un des plus beaux récits de guerre du XXe siècle, n’ayant rien à envier aux classiques du genre signés Henri Barbusse, Roland Dorgelès et Erich Maria Remarque, et on s’étonne qu’un tel texte ait pu, jusqu’à ce jour, échapper au regard du public. La marche au canon relate l’histoire d’Augustin Marcadet, un jeune homme parti à la guerre sans trop savoir où il allait et qui, au fur et à mesure de sa narration, s’aperçoit que ses compagnons d’armes et lui, au lieu de défendre héroïquement la France, ne sont que de la chair à canon, des pions insignifiants et négligeables entre les mains des puissants. À travers les yeux de son personnage, Jean Meckert recrée avec une grande justesse l’angoisse des combats contre un ennemi invisible, de même que la vie de régiment. Pour oublier la guerre, qu’ils n’ont pas voulue et qui leur donne la nausée, ces « bons troufions » ont la main légère sur la vinasse, qui ravive leur fonds de vieille gaîté française. Le titre suivant, Je suis un monstre, raconte le changement qui survient dans la conscience de Narcisse, le narrateur, à la suite du lynchage d’un adolescent, Claude Boucheret, victime de la « popote » (nom que les garçons ont donné à l’anticommunisme). Narcisse, moniteur aux Aiglons, une école de plein air, a pour première réaction de maquiller le crime en accident, ce qui arrange tout le monde, surtout le directeur de l’établissement. Puis, en réponse à l’hypocrisie et à la lâcheté régnantes, il choisit la solidarité et soutient le camp des adolescents criant vengeance. Dans L’homme au marteau, le protagoniste, qui s’appelle Augustin Marcadet comme le narrateur de La marche au canon, est un fonctionnaire parisien de trente ans, commis de troisième classe, marié et père de famille, à la vie rythmée par l’habitude. Il découvre un jour que tout est mou et quelconque autour de lui. Le récit suit ses pensées et ses efforts d’évasion d’une vie terne, dont souvent la seule échappée est le tour de France. Un texte magistral, comme les deux précédents.
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