Après avoir travaillé en Russie comme journaliste, la Géorgienne Elena Botchorichvili s’installe à Montréal en 1993. Faïna, son troisième toman, est d’ailleurs écrit en russe. L’auteure a fui la Géorgie peu après sa proclamation d’indépendance d’avec l’ex-URSS (1991), lors de la guerre civile qui a mené à la création de la république autoproclamée d’Abkhazie.
Vivant et bien rythmé, ce bref roman – ou cette longue nouvelle – se déroule du reste en Géorgie dans la capitale Tbilissi ou bien à Koutaïssi, en province. Histoires de femmes, de fiançailles et de ruptures – surtout celles du personnage central Faïna -, de mariages et d’enterrements, de naissances et d’avortements. « On avait frappé à la porte au moment où une femme, couverte de sang, était étendue sur la table de la cuisine. »
Grand-mère Noutsa, grand-tante Nadia, maman Oliko et Faïna, appelée aussi Fafotchka ou Fidji, vivent dans un univers coloré et fort jouissif, parfois à la limite du glauque. La construction dramatique entremêle sans complexe le passé au présent, abusant des flash-backs. « C’était encore avant Gorbatchev ; ce n’était pas encore le temps où n’importe qui pourrait dire n’importe quoi. »
L’histoire des liens complexes de la Géorgie avec la Russie depuis la révolution de 1917 accompagnent le récit. « Le pays était en décomposition, mais Moscou continuait de décider qui pouvait faire quoi. » Au sanguinaire Staline – ce Géorgien d’origine qui n’a jamais fait de cadeaux aux siens – succèdent les Khrouchtchev, Brejnev et Gorbatchev. Faïna n’est pas facile à suivre : carte géographique et notes historiques en mains aident le lecteur à bien garder son chemin.
La vie de Fidji sert de fil conducteur. Enfant, adolescente puis jeune femme, elle entrera à l’université et commencera à travailler, sans cesse à la recherche d’un hypothétique mari. Puis elle ira « chercher un papier pour partir à l’étranger et travailler comme domestique ». Restera-t-elle au pays ou choisira-t-elle l’exil ?