La lecture du premier poème du Gréement des os de Bernard Ascal donne un bon aperçu de ce qui allait suivre. « Pas de biceps / Pas de pectoraux / Pas de trapèzes / Ni d’extenseurs hélicoïdaux / Rien / À gonfler / Devant les demoiselles / Né sans peau / Sans poils sans os / Juste né / Avec mon égo [sic]. » Humour noir et propos métaphysiques seront au rendez-vous à l’intérieur d’un ensemble rythmé. L’auteur est d’ailleurs connu pour ses mises en musique de textes poétiques provenant de la francophonie, y compris du Québec. Il a en outre publié une anthologie de douze poètes de langue française au Temps des Cerises.
En littérature, l’indifférence, l’amour ou la détestation sont bien souvent affaire personnelle. Pour moi, la poésie est plus qu’un rire qui brasse la carcasse, plus que des jeux de mots sur fond de désespoir. C’est quand je sens, quand je devine, quand je ne suis surtout pas dans le domaine des certitudes que la magie d’un recueil opère. Dans le Gréement des os, quelques poèmes plus intériorisés, et peut-être moins accessibles, m’ont touchée. Ils n’étaient pas les plus drôles. Ils ne cherchaient pas non plus, comme bien d’autres textes du recueil, à passer un message.
Comme nombre d’auteurs qui signent une première œuvre, Bernard Ascal semble vouloir faire entendre certaines de ses idées. À ce propos, la dernière partie du livre, qui en compte trois, se lit parfois comme un manifeste anarchiste. Un poème, par exemple, commence ainsi : « Liberté Égalité Fraternité / Quelle mesquine médiocrité / Quelle médiocre mesquinerie / Si vous êtes utopique / Visez l’inconcevable ». On dirait que, quand on cherche à communiquer ses idées politiques, en poésie, elles crèvent dans l’Suf. C’est que le souci de la forme, ici, est mis de côté au profit d’un dire qui perd du même coup sa raison d’être. S’ils étaient chantés, on en demanderait peut-être moins à ces vers, et ils auraient une fonction sociale. Mais les textes ont été réunis dans un livre, dédié à la sphère intime. Aucun arrangement musical ne vient compenser la faiblesse de certains. De belles idées, des vers accrocheurs, une voix singulière… à mettre sur disque.