L’écrivain et cinéaste Mario Soldati (1906-1999) est reconnu comme l’un des romanciers les plus significatifs de l’Italie contemporaine. Une dizaine de ses romans sont toujours édités au « Promeneur » ou au « Cabinet des lettrés », les collections de Gallimard, ou par Le Livre de poche. C’est le cas avec les très belles Lettres de Capri, couronnées du prix Strega (le Goncourt italien) en 1954. D’abord paru chez l’éditeur florentin Bemporad en 1935 puis réédité à quelques reprises, Amérique, premier amour représente aux yeux de Pietro Citati la « dernière Île au trésor de notre époque ». Soldati y livre le récit d’une émigration ratée. L’histoire débute en 1929, alors que le narrateur, âgé de vingt-trois ans, décide de quitter son Italie natale, défigurée sous l’essor du fascisme, pour tenter sa chance aux États-Unis. Muni d’une bourse lui permettant d’étudier à Columbia, le jeune homme a vite fait de ressentir la vacuité du rêve américain. Au fil des déambulations dans Manhattan et dans Harlem, des promenades à Chicago, des visites de restaurants italo-américains, des week-ends sentimentaux à la campagne, des découvertes du jazz et des gratte-ciel, des spectacles de la misère et du luxe, des observations sur la prohibition et le gangstérisme, Soldati examine le nouveau visage de l’Amérique, à l’heure où toutes les jeunes dactylos ne jurent que par Clark Gable. Son récit, personnel et concis, se compose d’une suite de courts portraits et tableaux. D’abord intense, la passion de l’Amérique que décrit Soldati et qui guette, selon lui, tout Européen fuyard et rebelle au Vieux Continent, s’émousse rapidement et se révèle incapable d’enrayer les accablements de la solitude et de l’ennui qui se font plus oppressants au fur et à mesure que l’argent fond entre les mains de l’émigrant récalcitrant. L’aventure aura duré deux ans. Moins trépidant que les pages américaines de Paul Morand et de Louis-Ferdinand Céline à la même époque, Amérique, premier amour vaut cependant comme document plein de verve sur la découverte, sans cesse reconduite dans la littérature européenne, de « l’autre » américain et du cul-de-sac de ses promesses.
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