Accompagnés d’un poème du rare, et trop discret, Pierre Morency, les textes de Frédérique Jacques Temple, premier auteur étranger (Français), ne devraient laisser personne indifférent.
Sous la forme d’une exploration vagabonde, Un émoi sans frontières ressemble à une promenade géo-littéraire du Québec. Les textes, écrits entre 1982 et 2003, au Mont-Tremblant ou à l’Île-d’Orléans, entre Kanawake et Sainte-Agathe-des-Monts, en passant par Rimouski et Québec, portent presque tous des dédicaces à des acteurs du monde littéraire ou artistique d’ici : Gaston Miron, Pierre Morency, Pierre Perrault, Guy Cloutier ou René Derouin (dont quelques dessins illustrent le recueil), tous, on l’imagine, amis et complices de Temple. Le beau texte de Morency qui ouvre le recueil est d’ailleurs dédié à « [s]on ami Frédérique Jacques Temple / Dont la vive présence là-bas à Montpellier / Répand une clarté de poésie sur un monde / Qui plus que jamais en éprouve le manque ». Morency n’est d’ailleurs pas le seul à vouer respect et admiration à Temple : « Je sais / Depuis toujours il me semble / Que le nom de Temple chez plusieurs signifie : / Tendre colosse bourlingueur au naturel et encore / Passeur de textes d’une langue à l’autre / Traverseur d’océans de déserts de cultures / Gardien fraternel de tous ces mots-feux / Où viennent s’éclairer les chercheurs du pays perdu ».
Les textes de Frédérique Jacques Temple, profondément inspirés par la nature québécoise, ont été rédigés lentement comme « un hiver interminable » au cours duquel le poète « préparai[t] en secret les futures débâcles ». Tous les poèmes comportent des images souvent véhiculées par les Européens qui aiment parler de notre « pays espéré ». C’est ainsi que Temple peut, dans un texte dédicacé à Miron, écrire qu’il « harfange », qu’il « castore », qu’il « mirone », qu’il « érabilise », bref qu’il « québèque ». Le point de vue du poète nous permet de voir et revoir, de découvrir et redécouvrir le gigantisme et la diversité de l’espace que nous appelons notre pays. Au fond, peut-être faut-il venir de loin pour voir que « Le carouge / est un artaban / dans le vaste ciel mauve ».