UNE SAISON À VENISE

On dit que seul celui qui sait apprécier les petites choses est capable de bonheur. En littérature, le bonheur de la lecture peut se trouver, mais pas exclusivement, dans les petits livres. Qu’est-ce qu’un petit livre ?

C’est ici un roman dans lequel on sent une maturité de réflexion. 1976, puis juillet 1999 à la ligne suivante closent Une saison à Venise. L’auteur polonais, né en 1930, nous y raconte la fin de l’enfance d’un garçon, Marek, au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. La richesse du texte réside dans un travail de la mémoire, et sous cet angle l’histoire – l’inondation d’un sous-sol qui plongera les protagonistes dans une longue rêverie où ils verront Venise – est secondaire. L’écriture possède quelque trait proustien dans sa manière lente et fine de décortiquer certaines impressions passées, une lumière du couchant, par exemple, et ce qu’elle crée chez le jeune personnage. Cela finit par réinventer une vie plus sensible aux petites choses, justement, qu’au grand bouleversement qui la fera passer du monde de l’enfance à celui des adultes. Pendant le temps qu’il lui faudra pour traverser son village et y revenir, Marek sera témoin des atrocités de la guerre. Mais malgré tout, ce sont l’humilité des sentiments et l’imagination qui triompheront. Peut-être faut-il avoir vécu la guerre pour comprendre à quel point la lourdeur et l’apitoiement sont stériles ?

Une saison à Venise de Wodzimierz Odojewski ne sera jamais parmi ces livres-jalons, qui, juste à les repasser dans ma tête, tracent le parcours de ma vie. Il fait néanmoins partie de ces histoires dont on a besoin pour cultiver l’enfance.

Enregistrement