Ce livre rédigé dans une langue accessible aux non-spécialistes a sollicité mon attention moins parce que le sujet, comme celui de l’attachement, est à la mode, mais plutôt parce qu’il m’a été donné à quelques reprises de rencontrer des femmes et des filles plongés dans un enfer de liens mortifères qui fait que ni les unes ni les autres ne parviennent à se soutenir dans leur propre vie. Et aussi, je dois le dire, parce que j’entends dans le nom de l’auteure ce signifiant de la haine inscrit à même les nSuds des trois femmes ici convoquées de par leurs difficultés surmontées grâce à la psychanalyse. Car elles ont été aux prises avec des Surmères phalliques qui voulaient s’avoir, des Médée, déversant sur elles leur vengeance impitoyable. Au lieu de soutenir le manque permettant l’échange, c’est la fusion létale que ces démenthes religieuses perpétuent, répondant ainsi aux conditions de l’incestuel, c’est-à-dire l’inceste sans relations génitales : l’abus de pouvoir et la séduction impliquant le sexuel. Au fond, Doris-Louise Haineault étend les thèses de Paul-Claude Racamier au-delà du champ de la psychose pour les voir à l’œuvre dans les pathologies névrotiques, narcissiques et identitaires.
Pour se libérer, il y a donc – pour celles qui disposent évidemment des importants moyens financiers que cela suppose – des étapes après qu’elles ont basculé dans la dépression. D’abord, la prise de conscience puis l’exploration patiente de l’histoire menant au renoncement à la toute-puissance, lequel va de pair avec la désidéalisation du parent et de l’enfant. Chacune à sa manière et selon ses propres enjeux, Sylvie, Clara et Yanne luttent pour devenir un sujet à part entière, séparé du corps de l’autre et accordé enfin à un Autre. Il s’agit d’en finir avec le jeu qui fait que « deux personnes parfaitement fusionnées dans un incomparable unisson arrivent à composer un phallus ». Rompre ce pacte faustien pervers devient la condition sine qua non pour échapper à la jouissance homosexuelle de la mère et construire une vie relationnelle nourrissante habitée par sa propre génitalité, sa propre créativité. Plus encore, en s’accouchant ainsi par la parole, la prisonnière rompt les chaînes mélancoliques qui attachent ces femmes depuis parfois plusieurs générations.