Paquin et son ami Jérémy N., alias Baquet, sont deux incorrigibles paresseux dont la « jeunesse se sauve ». Pour eux, la belle vie consiste à boire de la bière, à travailler le moins possible et à baiser dès que l’occasion se présente. Lorsque Paquin se rend en Europe, où il espère pouvoir suivre ce programme, les compères gardent contact par correspondance. Les lettres qu’ils échangent pendant quelques mois constituent la première partie de Pour une croûte. Le voyage de Paquin se déroule si bien qu’il se fait une blonde, une Hongroise nommée Véra, sa « seule botte en deux ans ». Il la suit dans son pays, où elle habite un « shack » qui tombe en ruine et qu’elle lui demande de réparer.
Paquin convainc Jérémy de venir le rejoindre en Hongrie pour l’aider dans les travaux de rénovation. Ils seront donc bientôt trois à partager une vie de misère. Malgré le petit boulot que les deux amis dénichent, leurs chapardages et les emprunts qu’ils font, ils se retrouvent souvent avec à peine de quoi survivre. Véra est de plus en plus exaspérée. Elle l’exprime à son chum – qu’elle appelle Corvette, allez savoir pourquoi – dans le français qu’il lui a enseigné : « You don’t do anything fuck. Tu restes assis sur foufounes. Who’s gonna pay the phone bill, the electricity bill ? Corvette, listen to me ! Tu vas retrousser tes hanches ! Quand toé rote bouche ouverte, ça met moé beau joual vert ».
Malgré tout, on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine sympathie pour Paquin et Jérémy. En somme, Alexandre Laferrière réussit parfaitement bien à dépeindre la vie peu reluisante et sans grand espoir que mènent les deux comparses. Vie que Véra en vient à partager, par la force des choses. Pour une croûte représente en somme le sentiment de profonde impuissance que peuvent ressentir, face à la vie, certains êtres laissés-pour-compte. Il est même difficile de décider si la fin s’ouvre sur une certaine lueur d’espoir ou sur un avenir encore plus désespérant.