Du Courtemanche à son meilleur. Le registre, pourtant, diffère de ce qu’offrait Un dimanche à la piscine à Kigali. Autant la dimension internationale occupait l’avant-scène dans la terrible évocation du génocide rwandais, autant Une belle mort se fait intimiste, familial, traversé de confidences chuchotées d’une génération à l’autre. Dans les deux cas, c’est cependant de mort qu’il s’agit. À Kigali, elle frappait à la machette et estropiait à défaut de toujours tuer des milliers d’humains. Cette fois, Gil Courtemanche cherche, à l’échelle familiale, ce que vaut la vie si elle n’est que l’antichambre de la mort. Est-ce respecter la vie que de gâcher les derniers mois du vieillard tyrannique ? Est-ce tuer que de laisser le père insupportable s’empiffrer de tout ce qui est savoureux et… lourd de cholestérol ? Quand la descendance se partage en « médicaux » et en « bouddhistes », dans quel camp se réfugie la vie ?
Le personnage de la mère n’en finit plus de surprendre et d’émouvoir. Elle n’est pas résignée, mais mesurée. Sa gestion des crises préfère l’érosion aux éclats. Quand on la croit dépassée par l’impatience vaguement meurtrière du fils et du petit-fils, elle rebondit en rappelant sans jeter les hauts cris que ce qui reste de la vie appartient encore à celui qui la vit. Ce qui débutait en remontrance tourne à la connivence.
À l’autre extrémité du parcours humain, c’est l’enfant qui explique à son oncle l’écoute qui fait la force des grands-parents. « C’est peut-être parce qu’ils n’ont plus de vie que celle des autres les intéresse. Les parents, eux, parlent. »
Dans un style élégant qui fait coexister le détachement et l’émotion, le sourire et le trait, la pudeur et la totale honnêteté, Gil Courtemanche exprime le quotidien des grands déchirements et des repères fondamentaux : la famille, l’amour, le contrôle, la liberté… « Pourquoi mon mari ne veut pas mourir, dit la mère, même si la vie est un calvaire pour lui ? Pourquoi je ne veux pas mourir, même si je suis tellement épuisée, tellement fatiguée ? Parce que nous avons peur, même nous, les bons catholiques, qu’il n’y ait plus rien après. Bon, je l’ai dit. » Le livre aussi dit les choses. Magnifique.