Alain de Botton, jeune auteur anglais né en 1969, n’est ni un Platon, ni un Nietzsche, ni un Sartre, mais il écrit de beaux et de bons livres de philosophie. Sachant éviter les écueils de la facilité, il s’empare d’un sujet et l’explore dans toutes ses dimensions historiques, existentielles et esthétiques. Ici, il s’agit du statut social et de l’anxiété qu’il suscite.
On ne saurait parler du statut social sans parler des métamorphoses de l’égalité. Dans les sociétés aristocratiques, le rang social de chacun était décidé dès la naissance. Le passage vers le régime démocratique vint brouiller les cartes. L’auteur rappelle la pensée de Tocqueville à ce propos : « Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil ; quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent ». La révolution industrielle ayant rendu plus facilement accessibles une foule de marchandises, la plupart des individus se sont mis alors à ressentir comme un droit fondamental la capacité de pouvoir se procurer en abondance des produits de qualité. Pour chacun, il y va, après tout, de son statut social.
Cette ère d’égalité comporte cependant son revers : si notre fortune, autant au sens de richesse matérielle que de destin, ne dépend plus uniquement de notre naissance, mais de nos propres mérites, l’estime de soi tend à s’affaiblir quand les buts visés rencontrent peu de succès. À quoi imputer ce mauvais sort ? Ne devrait-on pas moins désirer alors afin de moins souffrir ?
Alain de Botton explore avec finesse des idées consolantes ou désolantes sur la réussite ou l’échec de notre vie : Dieu nous aime tous également, les riches sont immoraux, les riches sont plus utiles que les pauvres, les pauvres sont stupides, etc.
Parmi les solutions à l’anxiété liée au statut social, l’auteur de Comment Proust peut changer votre vie signale les contributions de la philosophie, de la politique, du christianisme, de l’art et même de la vie de bohème. Comparer notre vie à l’aune de l’éternité semble certes d’abord amoindrir celle-ci – Xerxès, roi de Perse, pleurait à l’idée que dans un siècle tous ceux qu’il voyait seraient morts – mais, paradoxalement, prendre conscience d’une certaine insignifiance de nos existences peut aider à vivre.
Alain de Botton nous offre un beau livre. Non seulement il nous entretient, dans un style élégant, de pensées fondamentales sur l’existence, mais il parsème son livre d’une foule d’anecdotes biographiques, de tableaux, de reproductions d’œuvres d’art, de photos d’archives, etc. Ainsi parvient-il à combler à la fois nos sens et notre intelligence.