Le récit qui forme la trame du roman Apnée de Jean-Marie Gourio se déroule au cœur des pensées de Chantal Breitman, une femme de 47 ans qui a perdu sa petite fille une vingtaine d’années plus tôt agressée par Jean, son voisin pédophile. Abandonnée par son mari qui se suicide à l’annonce de la tragédie, Chantal se noie peu à peu dans la folie. L’histoire est surtout axée sur l’étrange lien qui se tisse entre Jean et la mère inconsolable lorsque cette dernière décide d’écrire à l’assassin et de lui rendre visite en prison. Selon Chantal, le meurtrier de sa fille est le seul qui peut lui ramener son enfant, et c’est pour cette raison qu’elle l’accueille chez elle à sa sortie de prison, pour tenter de recomposer une famille déchirée par la démence.
Long monologue sans interruption, Apnée se caractérise par l’absence de point ou de coupure entre les phrases. Le texte est plutôt saturé de virgules, ce qui accentue l’impression d’étouffement que ressent Chantal. Cette impression est également lisible à travers la voix enfantine qu’emprunte la narratrice pour débiter un incessant baratin de faits banals entrecoupés d’images dégoûtantes de sa petite fille morte, comme si elle tentait de noyer ces pensées saugrenues dans des constatations inutiles.
Loin d’émouvoir ou d’inciter à la compassion, ce chaos de pensées plus absurdes les unes que les autres oppressent le lecteur qui n’arrive pas à saisir les motivations du personnage qu’est Chantal. Sans compter que rien dans le récit ne permet de vraiment sentir les émotions de la mère supposément affligée, puisque celle-ci semble neutre tout au long du monologue.
De plus, un manque flagrant de momentum empêche le récit de décoller. Le style de l’auteur et le lien qu’il tisse entre l’assassin et la mère sont certes originaux, mais le manque d’action ou de passages émotionnellement puissants provoque une certaine insatisfaction.
Bref, Apnée est un livre difficile à avaler qui essouffle inutilement. Jean-Marie Gourio, bien connu grâce à sa suite humoristique des Brèves de comptoir (théâtre et roman), aurait visiblement mieux fait de s’en tenir au style léger et amusant.