La période de l’histoire québécoise qu’étudie Louis-Georges Harvey surabonde en paradoxes. De 1805 à 1837, un net contraste oppose, en effet, l’indiscutable loyauté des Canadiens à l’égard de la Grande-Bretagne et l’engouement du même peuple pour les institutions élaborées par les rebelles étatsuniens. À tel point qu’il sera facile de s’y tromper et de réduire l’agitation sociale précédant les troubles de 1837 à une simple protestation ethnique. Durham aura d’ailleurs l’habileté (et la malhonnêteté) de refuser toute crédibilité aux propos démocratiques et républicains des Patriotes. « Son interprétation ethnique, écrit Louis-Georges Harvey au sujet de Durham, a voulu discréditer, voire effacer la trace d’un mouvement républicain fondé sur la participation d’une population bas-canadienne majoritairement composée d’agriculteurs. » Les preuves qu’accumule Harvey sont diverses et convaincantes ; elles imprègnent si profondément le contenu des médias et le discours public qu’on ne peut mettre en doute l’existence d’un fort courant républicain dans la société québécoise de l’époque. Ce qui ne veut pas dire que le Bas-Canada ait intégré à ses perspectives éducatives le classicisme d’origine romaine que savourent les éducateurs étatsuniens ou britanniques. Tant pis pour César et Tite-Live ; tant mieux pour le clergé québécois qui s’inspirait d’une autre Rome. Cela justifie le jugement global que porte l’auteur sur la période et, plus précisément, sur les Patriotes : « Valorisation du rôle moral du citoyen, incitation à la participation politique directe, dévouement à l’intérêt général plutôt qu’à celui des individus, mise en garde contre l’alliance du pouvoir et de l’argent, rejet du matérialisme, le credo civique du Patriote nous paraît beaucoup plus pertinent que ne l’ont laissé croire des générations d’historiens libéraux ». Analyse stimulante et intelligente formulée toutefois dans une langue d’une épuisante lourdeur.
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