L’auteur a beau multiplier les précautions et fixer à son bouquin d’humbles objectifs, l’hommage ici rendu à Camille Laurin sonne non pas faux, mais complaisant et, pour tout dire, inutile. Non seulement on ne nous apprend rien sur le personnage politique, mais on contourne à peu près toutes les questions posées par Jean-Claude Picard dans sa biographie du même Camille Laurin. Certes, Robert Filion nous a avertis qu’il ne jouerait pas au biographe, mais l’hommage, genre littéraire légitime et convenu, n’avait pas à devenir aussi allègrement monochrome. Et si, malgré tout, il fallait que l’ouvrage ne localise que des vertus et des mérites, pourquoi la règle ne s’est-elle pas appliquée aussi à Claude Ryan, à Claude Morin et à Gérard D. Lévesque ? À trop encenser Camille Laurin et à ignorer son entêtement et sa vanité, ses ambitions et ses réticences à gérer quoi que ce soit, on s’exposait à n’intéresser que les fidèles ; à multiplier les coups de griffe contre ceux qui s’opposèrent à lui, on adopte un ton polémique qui détonne dans un « tribut floral ». Cela, qui étonne et déçoit, achève de dérouter le lecteur. Pourquoi, en effet, un livre aussi passible de reproches sur les deux versants de la neutralité ? Quand un débutant admis dans l’intimité d’une forte personnalité politique brandit ensuite candidement sa proximité avec le pouvoir, on sourit et on passe à autre chose. Dans le cas de Robert Filion, pareille explication ne tient pas. L’homme a du coffre, de la culture, une large gamme de ressources. Il n’a nul profit à tirer de cette valorisation par procuration. Alors, pourquoi ? Le plus plausible est que l’auteur a voulu s’acquitter d’une dette d’honneur. Il estimait, sans doute à juste titre, devoir beaucoup à Camille Laurin et il n’avait d’autre choix que de le dire. Cela témoigne d’un sens aigu de la reconnaissance, mais cela ne fait pas de la bonne littérature.
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