Ce livre illustré paraissait à l’occasion d’une exposition du même nom, présentée au Musée d’Orsay durant le Mois de la Photo. Les auteurs, Georges Didi-Huberman et Laurent Mannoni, sont respectivement philosophe et conservateur au Centre national de la cinématographie ; ils ont chacun publié des ouvrages théoriques et historiques sur le statut de l’image, dans la mouvance des recherches françaises récentes sur l’iconographie.
Mouvements de l’air rend hommage à Étienne-Jules Marey (1830-1904), pionnier de l’image animée et véritable homme de la science de l’image, auteur de plusieurs ouvrages savants à la fin du XIXe siècle. La première moitié du livre, de Laurent Mannoni, est de nature historique : elle retrace les expériences effectuées par Marey sur les représentations photographiques du mouvement, du vol des insectes et des oiseaux (en 1889), à l’aide de certains appareils de prises de vue conçus expressément pour ces expérimentations. Cette partie est très bien documentée ; l’auteur y expose les hypothèses de travail, d’après la correspondance de Marey avec ses confrères, et fournit une abondance de photographies étonnantes et austères, dont certaines, obtenues en photographiant des effluves de fumée, sont en couleurs. On y voit des mouvements décomposés et des figures abstraites, d’après d’anciennes plaques négatives sur verre.
La seconde moitié de l’ouvrage, signée Georges Didi-Huberman, contient un essai plus théorique : il s’agit d’une méditation sur « la teneur épistémique de l’image », sur les illusions visuelles dans la décomposition du mouvement, faisant autant appel à la morphologie, à la cinématique qu’au biomécanisme du XIXe siècle. On y apprend que les expériences de Marey sur le mouvement ont donné lieu à des créations visuelles d’une beauté abstraite ; des artistes comme Man Ray s’étaient inspirés de la chronophotographie, entre 1919 et 1934. Comme les surréalistes, les futuristes italiens et même le philosophe Henri Bergson avaient également été influencés par les recherches d’Étienne-Jules Marey.
Ouvrage exigeant (particulièrement dans sa deuxième partie), laissant une place aux commentaires et aux extrapolations, Mouvements de l’air conviendra principalement aux lecteurs aguerris en histoire de la photographie et en théorie esthétique.