Non ! Pierre Falardeau n’est ni un imbécile attardé, ni un fou furieux. C’est un cinéaste et un pragmatique soucieux d’analyser et de rester en contact avec le réel et ses contradictions, la plus patente en notre pays étant la double contrainte du néo-colonialisme et de l’impérialisme étatsunien. Le projet de Falardeau est l’indépendance du Québec. C’était celui du RIN et de Hubert Aquin, c’est celui de Jacques Parizeau, de Loco Locass, de Léo-Paul Lauzon et d’au moins deux millions de Québécois, devenus autistiques malgré la victoire de 1980. C’est également le mien. Voilà qui est tout de même plus sain que de rester noyé dans l’océan de conneries que nous servent les médias et nos soi-disant penseurs pansus. Justement, sa pensée à lui, comme le résume Francis Simard dans la postface de Québec libre !, « est faite de rage, d’indignation et de colère ». Comme celle de tous les révolutionnaires qui ne maquillent pas leur peur et qui savent que des siècles de mépris engendrent la haine. Il continue de rappeler que le Québec est un pays conquis en 1760, écrasé en 1837-1838 et annexé en 1840.
Pierre Falardeau ne s’enfarge pas dans les fleurs du tapis. C’est ce que j’aime de lui. Le Temps des bouffons, son magnifique court-métrage, en dit plus que des centaines de pages de recherches universitaires grassement subventionnées par le fédéral. Et surtout, c’est un poème, comme Speak White et Octobre. Le Think Big, s’tie ! d’Elvis Gratton fait pour moi écho à ce « tell us that God is a great big shot and that we’re paid to trust him », de Michèle Lalonde. On est loin de La Grande Séduction… ou de la grande arnaque !
Les choses sont pourtant simples : quand Guy A. Lepage, Yvon Deschamps et Alain Dubuc entonnent le même refrain, qu’un billet dernière catégorie pour enfant au Cirque du Soleil coûte 35 $, qu’on nous dit que personne dans l’entourage de Guy Cloutier ne savait ce qui fait la manchette aujourd’hui, qu’on veut instituer un tribunal islamique – je n’ose parler des politiciens que nous élisons -, nous sommes bel et bien dans 1984. Falardeau, tu as raison : les intellectuels et les artistes ne font pas leur job au Québec ! Oui, quand je vais au Pharmaprix au coin de chez moi, dans Côte-des-Neiges, j’ai le droit d’être servi en français sans être traité de raciste, même si presque tous les employés sont immigrants. Y’a pas mal de boulot, Pierre ! La lutte ne fait que commencer !