Atteint d’un cancer du cerveau qui lui cause d’atroces douleurs, le comédien quinquagénaire Victor Parker repense à l’orientation qu’il aura donnée à sa vie : « […] au fil du temps, j’essayais, par-delà les années, d’approcher au plus près la vie de mon modèle, de calquer mes actes sur les siens ». Son modèle ? Nul autre que Lord Byron, le célèbre poète anglais qui s’est raconté sous le masque du héros de son Don Juan, à peine deux ans avant sa mort prématurée, il y a de cela plus d’un siècle. Parker raconte donc ce qui a fait l’essence de sa vie donjuanesque : « À force de traquer l’ivresse de vivre et l’oubli du malheur, je tombai à nouveau amoureux de l’amour, comme je le fus toute ma vie à l’idée du bonheur, plus que du bonheur lui-même ».Des observations empreintes de cynisme sur le métier de comédien, sur les femmes et autres objets de plaisir jalonnent le récit du séducteur. Entre deux crises, Parker continue sa course, jusqu’à ce que d’insupportables névralgies cérébrales l’obligent à s’enfermer. L’imagination suppléera.
Commence alors la douloureuse marche vers la mort, deuxième partie du roman. Obnubilé, tant par son horrible cancer qui le met dans un état second, que par le fantôme de Byron, Parker en arrive à confondre sa propre histoire avec celle de son modèle. Où est la vérité ? Où est le phantasme ? Jeu de miroirs auquel s’ajoute celui qu’engendre la projection de l’auteur, Patrick Poivre d’Arvor, dans son personnage narrateur, Victor Parker. Les deux ont pleuré amèrement le suicide d’une fille, Solenne dans le cas de l’auteur, et Sunshine dans celui de Parker. L’auteur et journaliste Poivre d’Arvor a aussi participé à des tournages comme comédien. Qui s’intéresse à la vie privée des personnages publics trouverait sans doute d’autres points communs, mais là n’est pas l’intérêt principal du roman. Il réside dans le jeu de superpositions, l’étrangeté, voire le fantastique que produit l’état du personnage, narrateur de sa propre histoire et comédien de surcroît. Sans compter l’attrait du style de l’écrivain : concis et rythmé. Des phrases courtes et imagées, des fondus enchaînés entre certains chapitres, à l’exemple du récit où se chevauchent les vies du narrateur, de Byron, de Don Juan, de l’auteur même, accrochent le lecteur dès la première page.