Quel beau, quel splendide petit livre que L’Africain de J.M.G. Le Clézio ! On assiste dans cet essai à la découverte, par un enfant, du bonheur au-delà des contraintes européennes. La découverte du corps comme réalité voluptueusement englobante. « L’Afrique, y lit-on, c’était le corps plutôt que le visage (comme il n’y avait pas de miroir).» « C’était la violence des sensations, la violence des appétits, la violence des saisons. » La grande proximité des corps y crée un réseau serré de contacts physiques, d’odeurs, de couleurs… « Une violence ouverte, réelle, générale, indiscutable. » Ayant échappé très tôt à l’exiguïté d’un appartement de Nice, le jeune Le Clézio découvre, au milieu des enfants africains de son âge, la liberté illimitée d’une étendue sans horizon où le regard pouvait se perdre.
Sur un coup de tête, son père, médecin, avait décidé de partir pour l’Afrique de l’Ouest où il pratiquera pendant vingt-deux ans dans des conditions de pénurie exaltante. La Guyane anglaise d’abord, puis le Nigéria et le Cameroun où il vivra avec sa femme qui l’accompagnait dans tous ses déplacements, une véritable histoire d’amour. Elle devra retourner en France pour accoucher de son deuxième enfant en 1938, sans savoir qu’ils allaient être complètement isolés par la guerre. L’auteur raconte qu’il a longtemps rêvé que sa mère était noire. Puis un jour, quand son père est revenu en France après plusieurs années, fatigué et vieilli prématurément par le climat tropical, il s’est rendu compte que c’était lui, son père, l’Africain. C’est la trame même de ce livre en quête de l’étranger que son père était devenu pour lui.