Après le succès du premier tome de L’art du bonheur, de nombreuses questions furent posées à Howard Cutler. De là surgit l’idée d’un deuxième volume d’entretiens, toujours menés chez le dalaï-lama, à Dharamsala. Or l’imposant nombre de sujets à traiter fit en sorte que ce tome 2 inaugure une suite qui comprendra plusieurs volumes, chacun traitant de thèmes allant de la violence aux scandales financiers en passant par la pauvreté, le racisme, tout cela élaboré en fonction d’une éthique laïque. Ne s’agit-il pas de la question, très ancienne, du savoir-vivre, question qui demeure pour l’homme éternelle ?
Le thème du travail ouvre le chemin : comment dépasser les insatisfactions liées à la productivité à outrance qui détruit le plaisir de s’accomplir ? La réponse paraît simple : il suffit de modifier nos attitudes et nos comportements. Bien sûr, tout le monde ne peut pas utiliser la méditation analytique comme le dalaï-lama puisque cette technique requiert des conditions particulières et des années de pratique rigoureuse. On voit mal une mère monoparentale avec trois enfants faire chaque matin sa méditation. Toutefois, rien ne nous empêche de chercher à transformer notre énergie mentale en la concentrant sur les aspects positifs de l’existence. Plus facile à dire qu’à faire. Comment soutenir des valeurs spirituelles telles que la compassion, l’honnêteté, la tolérance, le pardon et l’interdépendance entre les humains quand triomphent l’avidité, la cupidité et le cynisme ? Si cet exposé du gros bon sens n’a pu me convaincre, c’est qu’en plus de reconduire l’utopie de l’harmonie universelle (qui rejoint le rêve confucianiste et chrétien), il donne aux psychologues industriels tous les alibis pour renforcer le dressage et multiplier l’horreur. Au sujet du défi et de la créativité, le behavioriste-cognitiviste Cutler, dans son commentaire, ne va-t-il pas jusqu’à poser qu’Adam Smith rejoint le dalaï-lama ? Comme quoi la réalisation et la conscience de soi, lorsque bien « marketés » par les gourous du management, se conjuguent dans une version de l’excellence où la précarité et l’incertitude se muent en bénéfices de l’aliénation radicale.