Depuis le 11 septembre, islamologues occidentaux comme intellectuels musulmans se sont lancés dans une réflexion assidue sur la nature de l’islam et son rapport à la modernité. Une majorité, surtout du côté musulman, ont versé dans un panégyrique de l’islam, tentant de prouver la compatibilité de cette religion avec les idées modernes, dont la démocratie, les droits de l’homme. Beaucoup moins nombreux sont ceux qui ont cherché, courageusement, à fouiller l’« intimité » de l’islam pour y dégager les éléments ombrageux qui expliqueraient pourquoi cette religion semble éprouver tant de mal à s’accommoder des réalités d’aujourd’hui. En bref, à comprendre cette « exception islamique ».
De Tunis nous vient cette réflexion d’un universitaire très versé dans les idées occidentales. Prenant acte que l’« l’islam se conçoit en rapport conflictuel avec l’Occident », l’auteur pose le dilemme fondamental de l’identité musulmane actuelle : « L’islam veut se moderniser sans s’occidentaliser, s’occidentaliser sans s’acculturer et s’acculturer sans se démocratiser ». Bref, l’islam veut composer avec le monde actuel en adoptant une attitude médiévale, qui le pousse dans des contradictions insoutenables. Par exemple, un même islam dit tolérant face à la pluralité des opinions s’avère souvent rétrograde concernant la place de la femme.
Bien au fait des débats émotifs que ces questions soulèvent au sein de la communauté musulmane, l’auteur prône une entente sur des « valeurs négatives » : refus de la violence, y compris des châtiments corporels, du fanatisme, donc du terrorisme. Mais la civilisation islamique a tout de même besoin d’un « traitement de choc », une sécularisation qui la cantonnerait au niveau du salut des âmes et non plus des affaires de la cité. Un islam véritablement libéral, pensé à neuf, libéré de la prison des clercs radicaux, d’États oppresseurs et d’une opinion publique majoritairement conservatrice.
Un essai percutant en somme, qui va au fond du « cas musulman », d’une lecture certes peu accessible, mais qui a le grand mérite d’indiquer des pistes pour une remise en question réelle, véritable, mais combien nécessaire de l’exégèse islamique. Si cela apparaît à première vue comme un enjeu lointain, il en va, pourtant, de notre sécurité à tous en ce monde post 11 septembre.