Ce Tchekhov débutant réédité à l’occasion du centenaire de sa mort n’est pas totalement inconnu du lectorat francophone. Les mêmes nouvelles avaient déjà été publiées dans les années 1960 chez les Éditeurs français réunis. Rédigées à l’origine pour le compte de journaux humoristiques comme La Cigale et Les Éclats pendant qu’Anton complétait des études de médecine à Moscou, elles ont échappé à la plupart des rééditions courantes. Diversifiées par leurs sujets, elles sont aussi, il faut le reconnaître, inégales dans leur facture stylistique. La plupart n’ont d’ailleurs pas trouvé grâce aux yeux de leur auteur lors de la compilation de ses œuvres complètes. Écrites à des fins nourricières, ces narrations brèves permirent à Tchekhov de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Elles pourraient se diviser en deux catégories : les unes annoncent, avec plus ou moins de brio, le grand maître russe de la nouvelle que deviendra dès 1886 Tchekhov ; les autres, en particulier « Une denrée vivante » et « Fleurs tardives », se laissent apprécier comme de purs petits chefs-d’œuvre du genre. Dans le premier cas, l’auteur recourt à une variété de tons et de points de vue comme afin de prendre la mesure exacte de son art : pastiches, énumérations, lettres fictives, intrigues vaudevillesques Dans l’autre cas, il réunit les qualités essentielles grâce auxquelles sa conception du récit bref devait faire école : sobriété, simplicité, économie des moyens, précision du trait, densité du sous-entendu. Tchekhov suggère diversement le tragique de la condition humaine, un monde « gris tourterelle » selon le mot de Nabokov, où affleurent la complexité, la richesse et la tristesse inhérentes à toute destinée. Le nouvelliste décrit, dans leurs pittoresques défectuosités, les rapports interpersonnels : mariages motivés par la cupidité, impossibilité des unions durables, épisodes de chamailleries familiales ou de malentendus fâcheux. Une incommunicabilité patente divise les hommes et les femmes, les enfants et les parents, les humbles et les opulents. Par-delà la rouerie qui les rend attachants, ivrognes impénitents et amants volages ou trompés déroulent un captivant panorama des mSurs provinciales russes.
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