À l’affiche, une série de messages denses et évocateurs par lesquels un vieux sage voudrait enseigner ou rappeler le sens de la vie. « Ma vie s’achève, la vôtre continue, et je vous écris pour réinventer mes jours et mes nuits ici-bas. » Du moins est-ce ainsi offert au départ. L’enfance occupe l’avant-scène et redonne contenance et vie à ses impérissables souvenirs, la contemplation du ciel impose la Grande Ourse comme repère, le goût du pain de la mère Rocheleau revient en bouche… « Le ciel était la seule constante pour nous guider dans la nuit des temps. »
Le présent ne se laisse pourtant pas pousser en touche. Les trivialités de l’existence jouent du coude. Tel salon du livre accapare l’attention et le ciel perd de son éclat. Heureusement, des pays aux cultures immenses, comme la Grèce ou l’Égypte, accueillent le visiteur et lui rappellent la fiabilité du ciel.
L’écriture est séduisante. Peu ou pas de démonstrations oiseuses. « C’est le corps qui écrit », affirme Alain Bernard Marchand. Affirmation à laquelle on aimerait adhérer davantage. L’auteur lui-même nous en empêche. D’abord, parce qu’il ne parvient pas à écrire comme le vieillard qu’il prétend être. Ensuite, parce qu’il avoue, assez tard dans la correspondance, s’être donné une identité dont la nécessité ne saute pas aux yeux. Dans ces propos imputés au grand âge, il y a si peu de place pour le doute qu’on soupçonne l’âge véritable de l’épistolier. Certes, certains vieillards deviennent sentencieux et semblent parvenus aux certitudes essentielles. Mais combien de personnes âgées évoluent dans l’autre direction ? Combien, revenues des fracassantes « évidences » du jeune âge, relativisent toutes choses au lieu de promulguer leur décalogue ? Pourquoi Marchand a-t-il pensé que son attachement aux regards essentiels convaincrait davantage s’il semblait celui d’un être déclinant ?