Fleuron de la littérature de révolte, Le vierge incendié est une œuvre de jeunesse d’une étonnante rigueur, un recueil capital parmi les quelques œuvres authentiquement surréalistes publiées au Québec. Paru peu après Refus global et chez le même éditeur (Mithra-mythe), le Vierge incendie simultanément le langage et la société de 1948. Dans un mouvement plus cinématographique que musical, le lecteur s’y trouve assiégé par un charroi ininterrompu d’images où se lit la libération sous toutes ses formes : artistique, sexuelle, sociale, etc. Alors que l’énumération domine et pourrait entraîner une certaine monotonie, la discontinuité du propos provoque un fort contraste où s’entrelacent la violence et le jeu. « Un cœur peuplé de génies roses, festivaux [sic] lesbiens. Grande course effrénée au cerceau de pampres gothiques et dieux nauséabonds. Journées de courir le midi du plaisir ; estompe de la mort des petites fauvettes dans les tulipes ; écrasement des paumes sur les larmes de sable ; pieds de ronces dans la peau. Bon sommeil de rivière, sans barque ni volupté. » Malgré l’appui reçu des automatistes, la renommée du recueil mettra plusieurs années à se construire, le plus étonnant étant la diversité des mouvements s’en étant réclamé, des nationalistes jusqu’aux formalistes.
La présente édition inclut judicieusement le texte « Nuit du 15 au 26 novembre 1948 », rédigé sous l’impulsion des mésaventures de Borduas et inédit jusqu’à la rétrospective Le réel absolu, en 1971. Plus lisible en relation avec le premier recueil, cette saison en enfer fait davantage poindre l’humour de Lapointe, notamment dans une courte glossolalie inspirée de Claude Gauvreau (« ceci est du sauvage », précise l’auteur en bas de page).
Peu d’indices laissaient présager de ce qu’allait devenir cette poésie après douze ans de silence. Avec Choix de poèmes puis Pour les âmes (en 1960 et 1965), Paul-Marie Lapointe progressera vers un humanisme très singulier, où l’iconoclasme religieux fera place à un détournement sagace des symboles. Aussi universel qu’incarné dans les réalités québécoise et américaine, ce poète fait aujourd’hui figure de phare.