« Survivre est une occupation à temps plein pour les Baldwin », nous prévient la quatrième de couverture. Mais qui sont-ils, ces personnages bizarres et entourés de mystère qui s’emploient, sur une planète dévastée – « Il pleuvait depuis quarante ans. Guère plus » – à « s’adapter [ ] à l’horreur qu’inspire leur condition » ? Les Baldwinologues cherchent toujours à comprendre
Humains ou extraterrestres, nul ne peut vraiment le dire mais, ce dont on est sûr, c’est que nos Baldwin exercent des métiers ou des talents fort « connus » dans le monde présent : fonctionnaires, contorsionnistes, pilleurs de tombe
Quarante Baldwin décrivent donc en autant de tableaux ce qui leur tient lieu de monde, saturé d’inégalités, d’injustices, de détresse, d’absurdités sociales. Un univers peut-être pas si différent du nôtre si un prologue et un épilogue aux saveurs pseudo-scientifiques ne s’évertuaient à nous faire passer du réalisme au fantastique.
Le style, bref et épuré, est très simple, encore qu’ici ou là se trouvent certains morceaux d’anthologie – « La pudeur de leur maintien fait l’envie des anémones. C’est une aporie supplémentaire » -, le propos résolument métaphorique et volontairement nébuleux, la finalité étant à l’évidence de faire concourir le lecteur, de le pousser à éclairer les zones d’ombre, nombreuses, qui subsistent. Mais teintées d’un humour plus ou moins féroce, les observations de Serge Lamothe ne dérouteront pas tant que ça les infomaniaques tant il semble qu’elles soient l’interprétation en vérité pas si falsifiée du monde dans lequel on évolue, du turbo-libéralisme à l’obsession sécuritaire.
Quarante récits, quarante « autoportraits », à lire dans l’ordre ou dans le désordre, comme on le ferait d’un recueil de nouvelles. Une Baldwinothèque somme toute distrayante.