Z., critique littéraire et traductrice québécoise, a rencontré un directeur littéraire français au Salon du livre de Québec. Après une courte aventure, celui-ci est retourné dans le Midi mais il ne cesse d’habiter ses pensées. Il mettra bientôt un terme à la relation par une lettre où il explique, délicatement mais rationnellement : « Ma profession de directeur de collection est exigeante. J’ai des obligations sociales importantes […]. J’ai besoin de quelqu’un à qui je peux me fier. […] Ta fragilité me fait peur ».
Z. passera ensuite environ quatre ans à écrire sporadiquement à son « cher ami », comme elle l’appelle. À ses lettres poétiques et introspectives, il répond rarement, brièvement et factuellement. Ce sont donc ses lettres à elle qui constituent l’essentiel de cette « fiction épistolaire ».
« C’est toujours à lui qu’elle parle », certes, mais c’est beaucoup à elle-même aussi. Car Z. sait que l’objet de son amour a rompu définitivement, et elle ne tente pas de le ramener vers elle, mais elle est seule, et elle a besoin de ce lien (si transformé et si ténu soit-il), de ce correspondant muet, pour se retrouver, s’explorer, exprimer son désarroi, rêver encore un peu à ce qui fut, se confier autant à elle-même qu’à l’autre. Et malgré la mélancolie et le mal de vivre qui transparaissent dans ses écrits, jamais elle ne sombre dans le reproche ou l’amertume. Elle nomme les choses (« Je vous aime tant » ; « Mais vous ne viendrez pas. »), pour les vivre, les apprivoiser, et non pour les changer ou s’en révolter.
Sylvie Gagnon a une écriture raffinée et classique qu’on rencontre rarement chez les auteurs québécois. Ses phrases ont du souffle, un parfum subtil de non-dit et de flottements ; c’est vraiment dans l’intimité d’une femme qu’elle nous invite à entrer, une intimité d’autant plus précieuse que l’on sait, tout au long de la lecture, qu’elle s’offre à un homme qui refuse d’y accéder.