La vie est un voyage intérieur. Chacun suit sa route. La question de Jean-Luc Maxence, psychanalyste jungien, est la suivante : quel est le passage du divan au temple, ou vice-versa ? L’homme cherchant à vaincre ses démons intérieurs peut choisir l’une ou l’autre voie. Autrement dit, où se rencontrent le chemin initiatique de la franc-maçonnerie et la psychologie des profondeurs ?
Sitôt posée, la question risque de fourbir les armes de plus d’un analyste empressé de faire du maître de Zurich – sans même l’avoir lu – un spirite à la Allan Kardec ou un dangereux mythologue qui aurait tout simplement refoulé le sexuel en le sublimant dans la religion. On se demande s’ils mépriseraient autant Helvétius, Montesquieu, Mozart, Beethoven ou Goethe, le grand poète maçon dont le grand-père de Jung, selon la mythologie, descendrait de la fesse gauche. Le fait est que la franc-maçonnerie spéculative joua un rôle si crucial dans la famille de celui en qui Freud voyait son héritier qu’il rédigea une thèse sur les phénomènes dits occultes, ceux-ci ayant tout de même, comme le rappelle Jacques Lacan dans Les non-dupes errent, tracassé quelque peu le père de la psychanalyse.
Bref, l’œuvre jungienne, que Jean-Luc Maxence qualifie à juste titre de « polyphonique », permet de sortir la psychologie du cabinet médical et la Franc-maçonnerie de la Loge. L’idée est de démontrer, en s’appuyant sur une pensée analogique, que la psychologie analytique constitue une transposition – je parlerais plutôt de traduction – de la symbolique maçonnique, ce qu’illustrerait la présence de concepts comme le principe d’individuation, l’animus et l’anima, la personna et l’ombre. C’est la vivacité de l’empreinte de la tradition alchimique qui aurait selon l’auteur conduit Jung à une anthropologie et une mythologie proposant à chacun une métanoïa, une démarche visant la traversée des perceptions et des projections passées et présentes. Quiconque choisit de se livrer au décryptage de ses propres symboles en vient ainsi un jour à expérimenter que la transformation intérieure passe nécessairement par une plongée dans les profondeurs de sa mythologie personnelle. Seule l’introspection rigoureuse parfois jusqu’à l’ascétisme ouvre l’accès à la transcendance interne, c’est-à-dire au Soi, au point central et actif de l’être. Travaille-t-on ainsi à la « ‘re-spiritualisation’ du monde » appelée par Hermann Hesse ? Qui sait ? À chacun son samsara.