Françoise Marette, dite Vava, avant de devenir l’une des grandes dames de la psychanalyse française après être passée sur le divan de René Laforgue, le « petit père », fut dès cinq ans une épistolaire remarquable. Que lit-on d’abord dans ces magnifiques 430 lettres adressées à sa mère, à son père, à René Spitz et à Alain Cuny, entre autres ? La colère contre l’impératif familial – ne pas être ceci, être cela – (ce que laisse résonner son surnom), la lutte, le manque de grâce, mais aussi, l’humour, la vivacité, l’énergie, la perspicacité, l’attention à l’autre et surtout, une oreille ouverte à tous les souffles de l’être, qu’il soit en pleine éclosion ou plongé dans une morbide jouissance.
Toute mièvrerie mise de côté, c’est l’émotion qui nous gagne en lisant Lettres de jeunesse. La névrose de sa mère et la mort douloureuse de sa sœur Jacqueline auraient pu, dans le contexte catho-bourgeois du début du XXe siècle, assommer la jeune fille qui cherche sa voie, s’essaie à l’existence jusqu’à devenir celle qui, après Freud (et Melanie Klein ?), modifia radicalement le regard que nous portons sur les enfants en avançant qu’il faut leur parler et qu’il y a une manière de le faire, une manière qui nous oblige, éthiquement, à nous transformer intérieurement, comme éducateurs et comme parents.
Je ne crois pas, comme on le colporte, que Françoise Dolto fut la grande clinicienne et Jacques Lacan le grand théoricien. Je ne pense pas qu’ils formèrent un couple mythique. Je soutiens que l’un et l’autre se forgèrent à ne pas céder sur leur désir respectif, mais que chacun fut un être humain qui, dans la vie de tous les jours, demeure, comme Dolto l’écrit au début de La difficulté de vivre, « tout aussi ignorant de son propre inconscient que les autres êtres humains ». Et cela, insiste-t-elle, doit se savoir, l’analyste en étant conscient, mais pas toujours le public. Reste que le chemin fut parfois ardu qui conduisit Vava à être élue. À 30 ans, membre de la Société psychanalytique de Paris puis fondatrice de la Maison Verte. Grâce à l’analyse, Françoise Dolto ne rompit pas avec la névrose familiale, elle élabora sa vie.