Suite inédite de Plages du Maine, paru en 1989, Wells rappelle Marguerite Duras, davantage par la forme que par les thèmes qui y sont abordés, mais tout de même, on y reconnaît aussi sans peine l’empreinte de la géante. Suzanne Jacob, à l’instar de Duras, met en fiction la vie « brute », la vie dans ce qu’elle a de plus primitif et de plus trouble.
Dans Wells, Suzanne Jacob explore à la fois les mystères du deuil, de la gémellité, d’une certaine proximité, du père et, surtout, de la mère. À l’occasion de la mort du père, les jumeaux, que le décès de la mère avait éloignés, se rapprochent. Le frère et la sœur se retrouvent à Wells où, vingt ans auparavant, ils avaient dû porter le deuil de leur mère.
C’est l’écriture, disais-je, qui rappelle Duras. Une écriture « compacte », empreinte de sensibilité et de désir. La quête du sens chez Suzanne Jacob passe, tout comme chez Duras, par la dualité, le point de jonction avec l’Autre. Dans Wells, les jumeaux tentent de se retrouver en invoquant leur passé commun, les figures mythiques de leur vie et les événements fondateurs de leur être. On assiste, dans ce petit livre, à une ultime tentative de partage. « Comment ne pressens-tu pas que je suis là, pourquoi ne descends-tu pas vérifier ton pressentiment ? Si je te parle depuis le départ d’Amsterdam, c’est bien sûr parce que nous ne pourrons pas nous parler lorsque nous serons en présence l’un de l’autre et que de toute manière ce que nous aurions à nous dire n’existe pas, dieu merci, n’a jamais existé, a été vécu, a eu lieu, a disparu. » Un petit livre d’une grande densité dont on arrivera difficilement à épuiser le sens.